Alors que sévit encore l’exposition Game Story au Grand Palais de Paris, il y a quelques jours je vous parlais du hors-série de chez Trois Couleurs : Games Stories. Pour l’occasion, son rédacteur en chef Étienne Rouillon nous a accordé une interview ! Quoi de mieux pour fêter la Journée Mondiale du Jeu Vidéo ?
- Kiss My Geek : Bonjour Étienne Rouillon, et bienvenue dans l’antre de Kiss My Geek ! Tout d’abord, pourriez-vous vous présenter en quelques mots, pour les lecteurs du blog qui ne vous connaîtraient pas ?
Étienne Rouillon : Je suis journaliste au sein de la rédaction du magazine Trois Couleurs depuis cinq ans, où je suis responsable des pages « technologies ». Le journal m’a accueilli alors que je n’étais pas bien vieux (j’ai 25 ans aujourd’hui). J’ai commencé par chroniquer des objets technos à destination du grand public (iPhone, écrans OLED, etc…) puis j’ai repris les pages jeux vidéo de Trois Couleurs. Le magazine s’est aussi ouvert aux questions de société liées à l’usage que l’on fait tous des nouveaux outils numériques, ce qui nous a permis de bosser sur des sujets divers comme le bug de l’an 2000, la sécurité informatique, les fansubs, le piratage de la PS3, les sites qui finissent par « leaks », etc… En avril dernier ce travail a débouché sur la réalisation avec Sylvain Bergère du documentaire Pirat@ge, diffusé sur France 4.
- KMG : Pourriez-vous nous retracer la genèse du magazine Trois Couleurs ?
É. R. : Trois Couleurs il y a cinq ans était le canard des salles de cinéma MK2 où vous trouviez essentiellement des pitchs des films qui y étaient projetés, l’actualité des nombreux évènements que l’on peut retrouver dans les salles, etc… Elisha Karmitz, qui lui non plus n’était pas bien vieux à l’époque, a fait le pari un peu fou de transformer ce fascicule en un véritable journal culturel. On a commencé à l’époque avec 52 pages. Aujourd’hui on en est à 132 pages chaque mois ce qui nous permet de couvrir l’actualité de toutes les cultures: cinéma, théâtre, BD… et bien sûr jeu vidéo. Au moment où souffle sur la presse un vent de panique on fait figure d’extraterrestres avec notre magazine qui prouve qu’être gratuit cela peut être parfois payant!
- KMG : Comment en êtes-vous devenu le rédacteur en chef le temps d’un numéro ?
É. R. : Auréliano Tonet, qui est le rédacteur en chef des numéros classiques de Trois Couleurs et des hors-série, mais aussi toute la rédaction ont eu la gentillesse de me faire confiance et de me donner la charge de la rédaction en chef, le temps d’un hors série.
- KMG : Ce numéro, c’est le hors-série de Trois Couleurs dédié au jeu vidéo, « Games Stories » : quel a été le moteur de sa création ?
É. R. : Comme dans une bagnole hybride, il y a eu plein de moteurs. Le premier ce sont ces hors séries trimestriels que l’on fait déjà depuis plusieurs années. Notre idée est de partir d’un sujet unique et de le grattouiller pour en extraire des histoires qui parlent au grand public. C’est par ces petits récits que l’on parvient à vulgariser, donner les codes au grand public de mondes parfois hermétiques. On a donc écrit sur la contre-culture américaine, le cinéma de Stanley Kubrick, la musique des Doors, l’univers artistique des dessinateurs Dupuy et Berberian ou le street art avec JR.
Un autre moteur c’est le documentaire Pirat@ge qui vient de la rédaction de Trois Couleurs, et qui a prouvé que l’on pouvait intéresser n’importe qui avec un sujet comme le hacking, pour peu qu’on trouve les bonnes histoires et les bonnes personnes pour les raconter. On avait envie de faire la même chose avec le jeu vidéo. Reste que pour qu’un hors série pareil tombe entre les mains du grand public, il faut s’appuyer sur un évènement fort. Le dernier moteur c’est donc la formidable exposition Game Story qui nous a convaincus que c’était le moment de parler du jeu vidéo.
- KMG : Pourriez-vous justement nous parler de cette exposition, qui a lieu en ce moment-même au Grand Palais de Paris, et du rôle qu’a tenu MK2 dans l’organisation de ce salon ?
É. R. : MK2 comme Trois Couleurs n’ont eu absolument aucun rôle dans l’organisation de cette exposition. Nous sommes simplement partenaires dans la mesure où nous avons couvert l’expo dans notre hors série, lui même disponible dans l’expo. On se sert les coudes autour d’une idée commune: parler autrement du jeu vidéo. Par contre nous avions la chance de connaître l’incroyable association MO5 (rencontrée pendant le docu Pirat@ge) qui est commissaire de l’exposition Game Story. On a donc pu voir assez vite à quoi ressemblerait l’exposition et son catalogue: une formidable compilation exhaustive de toute l’histoire du jeu vidéo.
Cette expo est importante à plusieurs titres. Bien sûr c’est d’abord un symbole de l’entrée du jeu vidéo dans le monde artistique de plein pied, une consécration. Mais en soi l’expo est un formidable moyen de se rendre compte, à travers les générations de jeux mais aussi de visiteurs, que ce loisir est devenu un cadre d’expression culturelle et sociale qui nous accompagne depuis des décennies.
La rédaction de Trois Couleurs s’est réunie: on était un peu emmerdés…Comment faire un magazine qui ne soit pas une réduction sommaire de leur travail? Pourquoi vouloir y mettre notre grain de sel? Comment ajouter quelque chose d’intéressant? On s’est donc dit qu’on allait partir à la recherche de ces petites histoires qui font la grande. Celles de la naissance des salles de jeu en réseau, des premiers types qui ont décidé que c’était chouette de faire bouger des trucs sur un écran. D’interroger les clichés pas si fictifs que ça: le machisme, la violence, l’isolement. Comme on ne cherchait pas à faire un catalogue complet, on a pu faire des choix, des trucs parfaitement farfelus: faire tester Carmageddon par la plus gentille de nos journalistes, faire des portfolios sans pixels, des posters généalogiques, se demander comment l’armée américaine engageait des soldats pour l’Irak via des jeux vidéo, pourquoi les filles bougent les manettes comme si c’était un volant (prétexte pour une histoire des manettes), pourquoi les jeux vidéo rendent violent et malpoli (prétexte tout court pour rejouer à GTA 4)… Bref 132 pages bourrées à craquer de trucs dont le grand public n’a jamais entendu parler, ou au contraire que les gamers seront ravis de retrouver.
- KMG : On passe maintenant aux questions plus orientées ! Qu’est-ce qu’un « geek » pour vous ?
É. R. : Il est bizarre ce mot, il dérive d’un terme qui désignait les bêtes de foire en Europe il y a deux siècles. Comme beaucoup de termes liés aux pratiques culturelles des nouvelles technologies, on voit très bien ce que ça veut dire mais on a du mal à le définir.
Pour avoir une idée précise de ce qu’il recouvre il faut regarder son emploi dans les médias généralistes. De manière la plus générale, on utilise geek pour parler de types qui touchent leur bille en nouvelles technologies et qui la ramènent (ils auraient tort de s’en priver). Dans les faits c’est selon moi quelqu’un qui simplement suit de près l’actualité et la mode des nouvelles technologies et de leur pratique. Un geek est quelqu’un qui a soif de connaissance, qui veut savoir d’où vient ce qu’il utilise. On peut être un geek de la cuisine comme du jardinage.
- KMG : Vous considéreriez-vous comme tel ?
É. R. : Non. Mais c’est un « non » qui a autant de poids que celui d’un type qui vient de boire comme un trou et qui vous dit « mblrmlb…mouais non…je suis pas bourré! J’te jureuh ». Mais ce qui m’intéresse ce ne sont ni les machines ni même les types qui les font. Ce qui me passionne c’est de savoir pourquoi il le font. Pourquoi diable un type se réveille un matin en se disant: et si on trouvait un moyen d’appuyer sur des boutons pour qu’un truc se passe sur l’écran, et qu’en plus ce soit marrant? C’est complètement étrange comme idée. Comme cette autre: « et si on connectait deux ordis, pour faire passer de la musique entre les deux et qu’on choisissait comme logo un petit chat? ». Je vous parle même pas du plombier à moustache ou d’un hérisson bleu… Donc au fond je suis un peu geek des geeks. Par contre je me fous totalement de savoir que tel jeu embarque le moteur physique de tel autre.
- KMG : Que pensez-vous de l’évolution de cette culture, et notamment du rapprochement du jeu vidéo et du cinéma ?
É. R. : C’est incroyable de voir comment la presse, les industriels et les politiques arrivent à pondre des discours chaque année sur le nouveau rapprochement entre le jeu vidéo et le cinéma. Pareil pour l’entrée du jeu vidéo dans le monde de l’art. C’est bon, c’est fait, depuis dix ans. On le répète comme si on n’y croyait pas vraiment, comme si on voulait se rassurer. Parler du rapprochement du jeu vidéo et du cinéma c’est comme parler chaque année du rapprochement entre le couteau et la fourchette.
- KMG : Jouez-vous à quelque chose en ce moment ?
É. R. : Depuis deux ans je joue à Borderlands avec un pote philosophe. On est complètement nuls, mais on s’accroche fort. Ce jeu est génial parce qu’il offre une expérience unique pour chaque joueur, sa richesse est sans fin. Sinon dans les plus proches de nous, je ne fais pas partie de ceux qui boudent leur plaisir en parcourant Uncharted 3 avec du popcorn dans la main. Le dernier Batman est bien. J’ai du mal à aller jusqu’au bout des RPG mais Skyrim est bien parti pour me scotcher. Rejouer au Aladdin sur MegaDrive pour le hors série a été vraiment palpitant.
- KMG : Quel a été votre coup de cœur 2011 au cinéma ?
É. R. : Pendant la réalisation du hors série j’ai vraiment vécu comme un ours donc j’ai loupé tous les films de la rentrée et notamment Drive. Du coup je suis un peu à la bourre, mais La Piel Que Habito de Pedro Almodovar était complètement sidérant. Melancholia de Lars Von Trier, pareil. Il faut aller voir Shame de Steve McQueen. Mais faut pas croire, je vais pas voir que des films chiants, les prequels de X-Men et de la Planète des Singes sont vraiment des monuments.
- KMG : Et à la télévision ? Y’a-t-il une série qui vous a tapé dans l’œil cette année ?
É. R. : Y a une meilleure série que Sons of Anarchy en ce moment?
- KMG : Quel est votre meilleur souvenir de geek ?
É. R. : Le soir où j’ai réussi à changer mon écran d’iPhone 4 tout seul comme un grand. Et la nuit où j’ai réussi à télécharger ma première chanson, un MP3 sur Napster: White Man in Hammersmith Palais des Clash.
- KMG : On termine avec la question par laquelle tous nos invités sont passés : si vous aviez un super-pouvoir complètement geek, quel serait-il ?
É. R. : Tout bon super héros geek doit avoir deux super pouvoirs, le premier doit être utile, le second inutile donc indispensable (le mantra des geeks). Pour le premier je penche donc pour la capacité de connaitre par coeur l’ordre de publication de tous les Marvel Comics. Pour le second: arriver à connecter son iPhone et son iPad ensemble, via Bluetooth.
- KMG : Un grand merci à vous de nous avoir accordé cette interview, vous avez le mot de la fin !
É. R. : Merci à vous. Et…Ben en fait, à la réflexion… le dernier Batman est incroyablement bien.
Kiss My Geek tient à remercier Aurélia Mignot d’avoir rendu cette interview possible, ainsi qu’Étienne Rouillon de s’être prêté au jeu !
Rappelons que Games Stories est vendu dans tous les bons kiosques au prix de 6,90€.
1 Comment
rien
13 Juin 2013 8:05super surtout le projet du film sur haussmann