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[Test] The Sinking City

The Sinking City

Je vous le disais récemment dans mon test sur Chaosbane, je suis très curieuse des productions éditées par Bigben ces derniers mois. Particulièrement quand elles touchent à des univers que j’aime, comme c’est le cas pour celui de Lovecraft ! The Sinking City est une exclusivité Epic Games Store et a été développé par Frogwares, studio qui était aux manettes des jeux d’enquête Sherlock Holmes. Un genre auquel je suis peu habituée, mais ces derniers avaient plutôt eu bonne presse : que donne donc ce nouveau jeu qui nous promet « Open world, investigations et Lovecraft » ?

 

La grande noyade

Dans The Sinking City, vous incarnez Charles Reed, détective privé victime d’étranges hallucinations. C’est en partie pour cette raison qu’il prend la mer pour rejoindre Oakmont, une ville du Massachussets en proie à d’effroyables phénomènes. Le plus important d’entre eux étant sans doute le fait qu’elle ait été complètement envahie par les eaux et par d’étranges créatures. Depuis « l’inondation » rien ne va plus : la ville est en ruine, les habitants subissent démence et autres joyeusetés, certains d’entre eux disparaissent tandis que les autres s’entre tuent… Et en arrière-plan de tout cela, des expéditions sous-marines  ramènent les rumeurs d’anciennes civilisations peuplées d’êtres aussi malfaisants qu’ils ont de tentacules… Bref, du Lovecraft comme on l’aime et qui nous plonge en plein début XXè.

Une fois l’ambiance plantée, les premières minutes à Oakmont donnent le ton. Tout est ravagé, les maisons sont éventrées par des bateaux tombés du ciel, des poulpes aux proportions anormales gisent dans les rues, une pluie poisseuse assène la ville sans répit… Tout est malsain. Y compris les quelques habitants qui errent, hagards, dans la ville.

Si j’avais su ce que me réservait The Sinking City, je m’en serais peut-être tenue à ces 5 premières minutes de jeu.

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N’y allons pas par quatre chemins : The Sinking City est loin d’être le jeu de l’année. Vendu comme un jeu d’enquêtes « à la Sherlock Holmes » dans le monde de Lovecraft, il s’avère en réalité plus proche du mauvais action RPG aux graphismes et aux mécaniques datés…

Tout d’abord parlons de son open world qui, dans un jeu d’enquête qui vous mène à fouiller les rues en quête d’indices, n’est pas forcément malvenu. Malheureusement, les rues sont désespérément vides de décors et de contenu. Quand on s’y attarde, on a l’impression que les éléments sont posés à la hâte, au hasard. J’eusse préféré des quartiers plus petits et plus soignés plutôt que des espaces qui se ressemblent trop et qui transpirent l’artificiel. Cette ville d’Oakmont, on ne peut tout simplement pas y croire. Je ne peux pas croire à ses maisons génériques et sans âmes. Je ne peux pas croire non plus à ses habitants au chara-design décidément raté. Ça aurait pu s’arrêter là, mais non. Le moteur du jeu rajoute une couche de mocheté à l’ensemble qui m’a fait comprendre que l’aspect malsain qui se dégage des rues était davantage dû à l’indigence des moyens techniques qu’à une véritable direction artistique… C’est simple : j’ai l’impression de rejouer à Fallout 3.

Passé ce constat, je me dis qu’après tout un jeu moche n’est pas forcément un jeu mauvais ! Alors j’essaye quand même de me prendre à l’expérience. Après tout, l’écriture n’est pas si mal ! En effet, les quêtes, dialogues et différents écrits trouvés en jeu et qui font progresser dans l’intrigue sont plutôt bien travaillés. On n’est pas dans du grand Lovecraft, mais je retrouve quand même bien mes repères. Malheureusement, le rappel à l’ordre des graphismes passables et des doublages à la rue me jettent encore au visage que The Sinking City est un jeu au petit budget décidément mal camouflé. Les PNJ errent dans la rue de façon peu crédible, se ressemblent tous et sont doté d’un chara design plus que médiocre… C’est à peu près à ce moment-là que mon immersion a commencé à faire ses valises et à me faire comprendre qu’il faudrait bien des efforts pour qu’elle ne parte pas revivre chez ses parents !

Bon, allez, c’est pas bien grave, le jeu a forcément des trucs cools à proposer ! Je persiste donc encore. Loin de moi l’idée de me faire abattre par une couche de vernis un peu rayée – après tout c’est ce qui se cache en-dessous qui compte ! Je commence donc à progresser dans ma première enquête.

Au détour d’un dialogue, on me fait comprendre que, bien qu’armée d’un pistolet, les balles sont rares et que le combat est une option à éviter ! Tout à fait logique dans un monde Lovecraftien ou la simple vue d’une créature peut vous faire perdre la santé mentale. J’en suis d’autant plus contente que je suis venue chercher ici un jeu d’enquête et pas un jeu d’action.

Et c’est clairement là que le jeu m’a fait le plus gros doigt d’honneur qui soit. Je n’en suis toujours pas remise.

The Sinking City

Alors certes, vous allez en chier pour trouver des munitions. Par contre, vous allez être servi niveau combat. Des monstres. Par dizaines. PAR CENTAINES. Hantent les rues d’Oakmont. C’est bien simple : il y en a partout. Et vous allez devoir vider vos cartouches (ou fuir, difficilement) pour en réchapper. Munitions rarissimes. Combats difficiles (comptez environ 4-5 cartouches pour venir à bout des premières créatures rencontrées). Système de visée débile… Autant d’éléments de gameplay pur qui ont mis très rapidement mes nerfs à rude épreuve.

Mais ce qui me choque le plus ici c’est l’incohérence totale de cette intention de gameplay vis à vis de l’univers Lovecraftien où les créatures sont sensées être d’autant plus difficiles à croiser qu’il est compliqué d’échapper mentalement à de telles rencontres… Plutôt que de parsemer le jeu de rares rencontres qui nous auraient foutu les jetons et auraient contribué à asseoir une ambiance inquiétante, le fait que les monstres pullulent nuit complètement à cet effet… Une véritable hérésie !

Parlons également rapidement du système d’arbre de compétences qui, en plus d’être d’une platitude et d’un manque d’originalité sans borne, ne vous propose que des compétences… de combat et de craft (au passage aussi dispensable que novateur).

Le rapport avec un « jeu d’investigation » ? Je le cherche toujours.

 

On est tous le Nécronomicon d’un autre

Attardons-nous donc tout de même un instant sur ce qui est sensé être le cœur (ça me fait mal de l’écrire) du jeu : les enquêtes.

Les mécaniques du jeu sont relativement simples. Tout comme les enquêtes.

D’abord, vous allez devoir dialoguer. Et lire. Beaucoup. Mais c’est le principe du jeu d’enquête donc tout va bien ! Si vous restez attentif à ce qui est dit, vous trouverez rapidement vos dénouements sans trop vous creuser. Et pour ça, vous allez pouvoir vous aider de plusieurs pouvoirs surnaturels dont est doté votre héros (vous en découvrirez d’ailleurs les origines au fur et à mesure). Plutôt chouette.

Dans un premier temps, les échanges avec les PNJ vont vous permettre de trouver des indices sur l’enquête que vous menez. En croisant ces indices, vous allez pouvoir faire des déductions qui vont vous faire progresser et conclure vos recherches. On notera ici un élément plutôt chouette : vous avez souvent le choix entre plusieurs déductions qui vont faire varier l’issue de l’enquête ! À vous de voir si vous voulez jouer le détective concilient ou l’enquêteur intraitable.

Dans un second temps, il va vous falloir visiter la ville à la recherche de davantage d’indices. Ceux-ci peuvent avoir la forme d’écrits, d’objets laissés sur un bureau, etc. Souvent, il va vous falloir trouver les emplacements à fouiller sur la carte vous-même, grâce à des indications glanées à droite à gauche. Toute une partie de la recherche fonctionne également autour d’un système de consultation d’archives. Le journal, l’hôpital, le commissariat, etc. vous ouvrent leurs portes (sympa !) et vous permettent de consulter leurs archives. Ça n’est clairement pas la partie que j’ai préféré mais c’est a priori un passage obligatoire pour les jeux du genre – avec lesquels je ne suis pas familière. Quoi qu’il en soit, cela va vous permettre de faire des recherches sur des événements précis ayant eu lieu dans la ville, et ainsi débloquer de nouveaux indices qui vous permettront de faire de nouvelles déductions. Et ainsi de suite.

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Quant à vos pouvoirs, ils vous permettent de détecter des phénomènes sur des zones de crimes. À certains endroits, la zone autour de vous va se mettre à frétiller. En déclenchant votre pouvoir, vous allez accéder à des visions qui vont vous en dire plus sur les événements qui ont eu lieu à cet endroit. De la même façon, vous pourrez accéder à des passages dissimulés dans le décor. Enfin, vous pourrez reconstituer des scènes qui apparaîtront devant vous. Exactement à la façon d’un The Vanishing of Ethan Carter, dont il repompe ici honteusement le gameplay, vous allez devoir écouter chaque étape de votre vision et les remettre dans l’ordre chronologique. Cela vous permettra à nouveau de débloquer des indices.

Les possibilités de recherches sont si nombreuses qu’on peut facilement s’y perdre : à cet effet donc, le jeu met à votre disposition un niveau de difficulté pour les enquêtes. C’est plutôt malin puisque ça aide de façon subtile les apprentis enquêteurs à comprendre comment faire interagir les objets entre eux, ou comment utiliser les indices pour faire progresser l’enquête. Moi qui débute dans le domaine, j’ai apprécié !

Dernière grosse phase de gameplay offerte par The Sinking City : les explorations sous-marines ! La ville a été noyée et la plupart de vos enquêtes vous mènent à faire des recherches sur des expéditions subaquatiques dont l’équipage est devenu fou. Tout naturellement, il va donc vous falloir prendre le scaphandre et aller voir ce qui s’y passe !

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L’ambiance sous l’eau est bien rendue. Oppressante. Étrange. Inquiétante. On voit de grosses masses visqueuse passer au loin. Voilà qui réconcilie un peu avec le reste du titre. Après un passage sur terre désastreux, les quelques phases de gameplay que j’ai pu faire sous l’eau me faisaient redouter le pire. Il faut pourtant avouer que j’y ai passé un plutôt bon moment ! Néanmoins, armée d’un harpon et d’un lance-fusée, je me doute que j’ai échappé à des altercations qui m’auraient sans aucun doute agacée…

 

Le miteux de Cthulhu

Malheureusement The Sinking City est une bien mauvaise surprise. Sa direction artistique douteuse, son moteur et ses mécaniques datés, son open world vide et artificiel, ses combats omniprésents dont on se serait bien passés… Tout cela fait passer à l’arrière-plan une écriture loin d’être ratée et un contenu qui devrait pourtant réussir à satisfaire les férus de jeux d’enquête qui sauront faire fi de tout cela.

Ajoutons à cela que le jeu s’affiche au tarif exorbitant de 50€ avec des DLC pay-to-win à des prix qui nous laissent comme un petit goût de vomi (que j’aurais préféré provoqué par la vision de créatures cyclopéennes) :

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Voilà qui met la touche finale à un tableau décidément trop râté pour que je puisse vous conseiller un tel achat. Je n’ai pas fait le tour de toutes les choses qui m’ont agacée ou manqué dans le jeu – ça passerait pour de l’acharnement. Je ne vous dirai donc pas que c’est une aberration de constater que les objets lootés dans des coffres / caisses sont reset à chaque fois qu’on sort / rentre d’un endroit (ce qui a bien facilité mes combats ne le cachons pas !). Que la jaune de folie inutile et sans effets réels ajoute aux aberrations déjà nombreuses. Ni que la bande-son est inexistante, ce qui m’attriste au plus haut point.

Vous l’aurez compris : Cthulhu n’a toujours pas trouvé l’adaptation vidéoludique qui lui fait honneur… Ce qui laisse un champ des possibles démentiel à tous les fous qui voudront s’y aventurer ! On croise les tentacules…

 

On a aimé :

  • L’écriture
  • L’ambiance qui parvient à se dégager de quelques scènes
  • Les mécaniques d’enquête pas originales mais efficaces

On a moins aimé :

  • Les combats
  • La DA et le moteur de jeu qui se desservent l’un l’autre
  • Les combats

Craquez vos PO si :

  • Vous êtes un fan de jeux d’enquêtes qui n’a pas peur de griller quelques cartouches
  • Un fan de Cthulhu qui a vraiment besoin de se mettre quelque chose sous la dent
  • Ça ne vous fait pas peur de mettre 50 balles dans un jeu qui mérite moitié moins

Quittez la partie si :

  • Vous êtes un fan de jeux d’enquête qui cherche de l’enquête pure et dure sans fioritures
  • Un fan de Cthulhu allergique à tout écart au matériau originel
  • Rejouer à Fallout 3 en 2019 c’est vraiment pas votre truc

 

 The Sinking City – Bigben – Frogwares

Disponible sur PS4 / Xbox One / PC

A partir de 48,99 €

 CE TEST A ÉTÉ EFFECTUÉ SUR UNE VERSION FOURNIE PAR L’ÉDITEUR 

 

Tu l'as voulu ? Ouais, tu l'as eu ! Un Cthulhu dans ton...

En jouant à The Sinking City je ne peux pas m'empêcher de faire le parallèle avec la frustration que j'avais ressentie sur Hellblade : Senua's Sacrifice. Enlevez-lui son système de combat aux fraises et The Sinking City s'en sortirait pas si mal. Mais non. Il a fallu alourdir ce jeu d'enquête à l'écriture pas dégueu d'un open world au level design mal conçu, d'un système de combat et de compétences qui ne le sont pas moins... Pourquoi ? Pourquoi ne pas se contenter du plus simple pour faire un jeu sur des bases que le studio maîtrise en plus déjà ? La formule "the less the better" aura rarement eu meilleur exemple ces derniers mois qu'avec The Sinking City.

4
Note finale:
4

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