J’ai repéré Souldiers durant l’automne dernier. Dès le début, il avait réussi à faire battre mon petit cœur de joueur avec son pixel art chatoyant et sa promesse d’un metroidvania accessible. Il est temps maintenant de faire le point sur cette relation particulière que j’ai avec Souldiers après plus d’une vingtaine d’heures entre nous.
Terragaya mon amour
Ne tournons pas autour du feu pendant 107 ans, les équipes madrilènes de Retro Forge ont donné naissance au plus beau jeu en pixel art jamais vu. Après avoir déjà enfanté du sublime Blasphemous chez The Game Kitchen, les espagnols se posent désormais en tête des meilleurs dans ce style en plus d’être les rois du foot et de la paella ! Plus que les sprites des personnages et des ennemis, ce sont les background bourrés de détails qui n’ont cessés de me chatouiller la rétine et m’ont rappelé l’émerveillement avec lequel je découvrais Shadow of the Beast et son scrolling parallaxe dans mes jeunes années.
D’un point de vue artistique et technique, le monde de Terragaya n’a de cesse de surprendre : en plus des classiques cavernes bourrées d’araignées et forêts remplies de brigands, se mêlent les profondeurs d’une pyramide ou même d’un vaisseau spatial. Et je ne compte pas là-dedans la très sympathique intro animée. Pour accompagner la magnificence visuelle, les développeurs de Retro Forge se sont appuyés sur le compositeur Willy Savino qui offre ici une composition que je ne peux que vous enjoindre à écouter au plus vite.
Bon pour chipoter un peu, le scénario n’est pas forcément le plus palpitant ni le plus évident à suivre. Pour faire simple, vous vous retrouvez téléporté dans le monde de Terragaya après que le plan mis en place par votre général ne se soit pas vraiment passé comme prévu et que toutes les troupes de votre armée, vous inclus, aient malencontreusement passé l’arme à gauche. A peine le temps de prendre le thé avec les Valkyries qui vous accueillent que vous voilà déjà parti à la recherche du « gardien », entité divine chargée de gérer ce nouveau monde. Le pitch relativement classique est, néanmoins, relativement difficile à suivre à cause du rythme du jeu qui distille les différentes informations au compte goutte.
Dark Souldiers
Avant d’aller terrasser les nombreuses créature de Terragaya, il va falloir choisir comment vous allez vous réincarner. Souldiers vous permet d’incarner trois classes totalement distinctes : l’éclaireur, le mage et l’archer. L’éclaireur est un guerrier au corps à corps, disposant de la plus grande barre de vie et d’une capacité de contre (en plus de la garde présente sur les trois protagonistes). Le mage dispose de projectiles à courte portée à tête chercheuse, et de l’attaque la plus puissante du jeu. Enfin, l’archer a la possibilité d’utiliser son arc, limité à 3 flèches au départ, ou de se servir de ce dernier comme d’un boomerang.
Chaque classe, en plus de son gameplay propre, propose un arbre de talents dédié qui vous permettra au choix de débloquer une sorte de super combo pour le guerrier, des flèches supplémentaires pour l’archer, ou de créer des clones explosifs à chaque esquive réalisée avec le mage.
Ajoutez à cela la possibilité de trouver différentes orbes élémentaires pour jouer sur les différentes sensibilités et résistances des ennemies et on obtient l’un des metroidvania les plus ambitieux de ces dernières années sur le plan du système de combat, pour le meilleur… et pour le pire.
J’suis pas v’nu ici pour mourir, okay ?
Vendredi 3 juin. La nuit a été rude, mouvementée, violente. Je pousse lentement la porte du cabinet. Le médecin m’accueille et m’enjoint à m’allonger sur le divan. Il a vu la détresse dans mes yeux rougis, il remarque encore plus les traces de dents dans ce qu’il reste de mon pad, toujours dans mes mains. Vainement il tente de me rassurer « Là, là ça va aller, c’est fini maintenant, vous n’avez plus besoin d’y retourner pour le moment. Allez, montrez-moi sur la poupée où le méchant jeu vous a fait mal ». Je pointe alors timidement le doigt à un endroit que la décence m’interdit de décrire ici.
Souldiers m’a fait mal, Souldiers m’a souillé. Telle une grenouille venimeuse, il a su m’attirer à lui avec ses couleurs chamarrées avant de me cracher sa bile au visage. Il a voulu me faire croire que le jeu serait accessible avec son système de combat simple sans être simpliste et j’ai été dupé. Entre le cooldown de 2 à 3 secondes entre chaque esquive, ou la barre de garde qui ne permet pas d’encaisser plus de deux ou trois coups, Souldiers se montre impitoyable. Pire, il donne régulièrement l’impression d’aller totalement à l’opposé des mécaniques qu’il souhaite mettre en avant. A quoi bon mettre un système de contre si les ennemis frappent beaucoup trop rapidement et de façon trop aléatoire pour laisser une chance au joueur de l’utiliser ? Pourquoi rendre les timing de l’archer aussi frustrants pour une classe qui se veut axée sur la dextérité ?
Le problème ce n’est pas que Souldiers soit exigeant, c’est qu’il est totalement injuste. Le génie des bons souls like est de savoir doser avec précision et subtilité la difficulté et la frustration. Mourir fait forcément suite à une erreur du joueur ou à une mauvaise connaissance de l’adversaire, malheureusement ce n’est pas le cas ici. Souldiers prend l’habitude de nous envoyer des ennemis rapides et multipliant des capacités difficilement prévisibles. Certains adversaires ont la capacité de vous clouer sur place pendant quelques secondes, d’autres de vous empoisonner ou vous faire saigner, entre autres joyeusetés. Et pour ne rien gâcher, les points de sauvegardes, qui certes permettent de faire le plein de vie, se trouvent souvent éloignés les uns des autres, vous obligeant à avancer à tâtons d’un point à un autre en espérant ne pas vous heurter une énième fois à un mur qui vous permettra d’apprécier les inteeeeeerminables temps de chargement qui ont tendance à beaucoup trop hacher le rythme. Temps de chargement qui ont plusieurs fois eu raison de ma patience entre deux essais sur un boss retors.
Alors oui Souldiers est beau, Souldiers regorge de bonnes idées, malheureusement Souldiers est aussi cruellement injuste au point de donner l’impression qu’il ne comprend pas lui même l’expérience qu’il est censé offrir à ses joueurs. Souldiers m’a brisé le cœur, j’espère maintenant qu’après quelques patch et rééquilibrages il saura me reconquérir.
On a aimé :
- Bordel mais qu’est ce que c’est beau
- Très (trop ?) généreux en contenu
- Un système de combat très (trop ?) dynamique
On a moins aimé :
- Le scénario peu intéressant et difficile à suivre
- Les temps de chargement qui cassent totalement le rythme
- La difficulté complètement pétée et injuste !
Réincarnez vous si :
- Vous cherchez l’enfant sadique de Dark Souls et Castlevania
- Vous êtes en manque de Metroidvania
- Vous voulez voir le plus beau jeu en pixel art EVER !
Restez dans la tombe si :
- Vous cherchez un petit jeu rapide et posé
- Vous être allergique au die & retry
- Vous ne connaissez aucun psychologue
Soule Tiers
Beau à en crever, dynamique, généreux... sur le papier Souldiers a tout pour devenir la nouvelle référence du genre. Malheureusement, en dosant aussi mal la difficulté, Retro Forge tombe à côté de son sujet et finit par frustrer plus qu'amuser. On a réellement envie d'aimer Souldiers et de se perdre dans le monde de Terragaya mais difficile de le recommander en l'état. Reste à espérer que les développeurs parviendront à revoir leur copie pour rééquilibrer un peu tout ça.