Annoncé durant la Paris Game Week 2018, As Far As The Eye, le dernier né d’Unexpected, studio fondé par l’influenceur Zerator, profite de la rentrée pour s’offrir à nous. Sa direction artistique aguicheuse lui permettra-t-elle de nous faire oublier la morosité et la grisaille ambiante en ce début d’Automne ?
C’est loin mais c’est beau
Jacques est un pupille. Une charmante créature toute de poncho vêtue au visage noir et rondouillard. Jacques est accompagné de deux pupilles, toutes noires et rondouillardes également : Edouard et Nicolas. Comme chaque pupilles, Jacques et ses deux amis se préparent à un long et périlleux voyage jusqu’à l’œil, havre de paix ou se réuniront toutes les tribus de pupilles pour festoyer et se retrouver avant d’entreprendre un nouveau voyage. Loin d’être paisible, le voyage entrepris par vos pupilles vous demandera de réunir différentes ressources pour parcourir les étapes vous permettant d’atteindre l’œil, le tout sans laisser votre tribu mourir de faim et en faisant fi des événements qui ponctueront votre traversée. Bien sûr, il vous faudra réussir ça en un temps limité pour que vos ouailles ne finissent pas en fish & chips à cause de la montée des eaux.
Contrairement à ce qu’il pourrait laisser penser, As Far As The Eye n’est pas un simple jeu de gestion au tour par tour mais bien un véritable roguelike qui, autant l’avouer toute de suite, va vous en faire baver à de multiples reprises, parfois alors que l’étape finale de votre voyage vous tend les bras.
Pupille de la tribu
Dans As Far As The Eye vous ne dirigez pas directement les pupilles mais le vent qui va inspirer le peuple en leur soufflant les actions à effectuer. Chaque partie commence avec une caravane que vous devez placer de façon à limiter les déplacements de vos pupilles lorsqu’ils ramassent des ressources. Une fois votre caravane déployée, trois pupilles innocentes et totalement inexpérimentées n’attendent plus que vos instructions. Déjà les difficultés commencent car vos gens vont toutes consommer 6 unités de nourriture par tour. De plus, elles sont toutes dotées d’attributs distribués aléatoirement au début de chaque partie. Si Jacques dispose du trait ascétique, il ne consommera que 50% de nourriture mais Nicolas peut très bien être doté d’un trait qui lui interdira de récolter du bois.
Chaque tâche effectuée par vos pupilles leur permet d’engranger de l’expérience. Pour le groupe tout d’abord afin d’améliorer votre caravane, afin d’augmenter la capacité de stockage par exemple ; ou pour le pupille lui-même afin de le rendre plus efficace sur certaines tâches. Ainsi, un pupille régulièrement affecté à la récolte d’une ressource aura tendance à en ramener de plus grosses quantités lors de chaque déplacement. Il est primordial d’optimiser le gain d’expérience de chacun de vos pupilles car la progression de votre caravane repose totalement sur la récolte des ressources.
Lorsque vous dressez votre campement, la première chose à faire est de regarder la carte du monde pour définir votre itinéraire jusqu’à l’œil, votre destination finale. Comme indiqué plus haut, le voyage se fera en plusieurs étapes. Pour passer d’une étape à une autre, il vous faudra récolter le nombre de ressources demandées dans la quantité désirée. Une fois arrivée sur votre nouvelle étape, le schéma recommence et ce jusqu’à rejoindre l’œil. Tout n’est pas perdu entre les différentes étapes. Vous pouvez bien entendu emporter avec vous une quantité de ressources récoltées lors de votre première halte. C’est là où l’amélioration de votre caravane entre en ligne de compte car vous pouvez, par exemple, augmenter la taille de l’inventaire de votre transport.
Il sera également nécessaire à vos pupilles de créer différentes infrastructures lors de votre périples. Si le bois et les poivrouilles, la nourriture de base, peuvent être récoltés directement via votre caravane, toutes les autres ressources vont vous demander un bâtiment particulier pour être ramassées. A ce moment-là, deux solutions s’offrent à vous. Vous pouvez soit créer un bâtiment simple, qui sera donc perdu lors de votre prochaine escale, soit une version mobile moyennant des ressources supplémentaires. Le nombre de pupilles à votre disposition n’étant pas limité, il vous faudra calculer avec soin le meilleur choix à effectuer en fonction de l’objectif à réaliser et le nombre de tours restant avant la montée des hauts.
Plein les pupilles
Bien sur, As Far As The Eye ne sera pas un vrai roguelike sans éléments perturbateurs. Régulièrement, des événements aléatoires viendront régulièrement frapper vos pupilles. Un glissement de terrain pourra endommager vos bâtiments fixes ou le gel pourra bloquer vos champs pendant un nombre de tours donné. De même, chaque nouvelle étape regorge de vestiges et sites sacrés que vous pourrez faire explorer par votre tribu. Attention toutefois, si vous pouvez parfois tomber sur un bonus d’expériences ou des ressources supplémentaires, il est aussi possible de contracter une maladie ou de déclencher une malédiction sur vos bâtiments. Heureusement, un pupille expérimenté sur la voie druidique aura la possibilité d’analyser les vestiges pour connaitre en amont les effets de ces vestiges.
Loin d’être une promenade de santé, le travail effectué par les artistes d’Unexpected Studio donne à As Far As The Eye une aura étrangement relaxante. Avec ses tons pastels et son rythme lent, le jeu pousse à la contemplation et on éprouve un étrange sentiment de satisfaction à contempler nos pupilles dans leur labeur, d’autant plus que ces derniers adaptent toujours une forme propre à leur fonction. Le tout bercé par les compostions musicales minimalistes d’Alexis Laugier mêlant carillons, bruit du vent et douces mélodies au piano.
Malheureusement, bien que chatoyante et extrêmement agréable l’œil, la direction artistique choisie a également tendance à nuire à la visibilité. Il n’est pas toujours évident de repérer ses pupilles au travers d’une forêt ou derrière une colline. Idem, si plusieurs pupilles travaillent sur des cases adjacentes, il est parfois difficile de repérer qui fait quoi ce qui peut s’avérer gênant quand tout le gameplay repose sur l’optimisation de votre tribu. L’interface n’aide malheureusement en rien et il est parfois compliqué de s’y retrouver avec certains boutons étrangement placés. Le nombre de vos pupilles actifs est par exemple indiqué en haut à gauche mais il faut se référer au coin inférieur gauche pour trouver le portrait de chacun d’entre eux puis le sélectionner pour voir ses spécialités. De plus, bien que disposant d’une campagne faisant office de tutoriel, plusieurs éléments cruciaux sont totalement passés sous silence et ne se révéleront à vous qu’après plusieurs heures de jeux et essais infructueux.
Expérience contemplaïetive
Tout contemplatif soit il, As Far As The Eye est absolument impitoyable. Le titre n’usurpe clairement pas le genre de roguelike et rien n’est fait pour simplifier la vie du joueur. Problème : les difficultés ont tendance à s’amonceler non pas suite à de mauvais choix mais parfois par simple malchance. Il m’est ainsi arrivé une fois de commencer mon étape sur un biome ne comportant aucun spot d’une des ressources nécessaires pour passer à la suivante. De même, les traits de vos pupilles peuvent être extrêmement pénalisant. Commencer avec un pupille perdant un point de vie par tour pourra vite être dramatique si vous ne croisez pas rapidement une caravane à même de vous fournir de la main d’œuvre supplémentaire.
Les éléments aléatoires pourront également rapidement vous mettre à mal. Il est ainsi parfaitement possible de subir un épisode de gel qui mettra à mal vos récoltes de céréales alors qu’il ne vous reste que quelque tour pour finaliser le stock nécessaire à vos tribulations. De même pour les événements déclenchés lors des visites de lieux sacrés et autres vestiges. Au départ le meilleur choix est tout simplement de ne jamais prendre le risque de s’y aventurer tant que l’un de vos pupilles n’a pas débloqué la compétences permettant de connaitre l’effet obtenu. Après de multiples essais, il semble que la répartition bonus/malus soit de l’ordre de 20/80 et non 50/50.
Le jeu se décompose en trois modes principaux :
- Une campagne qui vous permettra d’aborder les aspects principaux du titre
- Un mode personnalisé qui vous permettra de configurer une partie selon vos envies
- Un mode dit « libre » qui représente le principal défi et qui vous demandera de rejoindre l’œil en guidant différentes tribus aux spécificités variés.
Le fait de finir une partie avec une tribu vous permet de débloquer la suivante ainsi que de nouveaux traits pouvant être attribués aux pupilles. De quoi varier les plaisirs pour les masochistes qui aimeraient entreprendre le voyage à de multiples reprises. Heureusement que, en théorie, le voyage importe plus que la destination.
On a aimé :
- La direction artistique
- Le côté contemplatif
- Le mélange roguelike/gestion tour par tour
On a moins aimé :
- Une interface peu lisible
- Des gros problèmes d’équilibrage
- Une répétitivité due au genre
Craquez vos PO si :
- Vous aimez les jeux « chill »
- Vous aimez les jeux vraiment corsés
- Le voyage compte plus que la destination
Gardez vos PO si :
- Vous être réfractaire aux roguelikes
- Vous n’aimez pas optimiser chacune de vos actions
- Vous détestez la nature !
Un vent de fraicheur bien trop violent
Poétique et visuellement sublime, As Far As The Eyes est une expérience aussi dépaysante que frustrante. Le titre souffre de gros problème d'équilibrages et d'interface qui vont complétement à l'opposé de son ambiance "chill". Le jeu se veut comme une ode à la non violence mais les joueurs les moins patients risquent de rapidement monter dans les tours tant certaines parties se terminent de façon parfois totalement injuste. À réserver aux nerfs solides.