[Test] Agricola : Les Fermiers de la Lande – La Big Box 2 joueurs

Au commencement, il y avait Agricola. Sorti en 2007, ce jeu de Uwe Rosenberg s’est rapidement imposé comme un classique du jeu de gestion de ressources. L’exemple parfait du jeu à l’allemande faisant le bonheur des passionnés de cubes en bois. Réédité il y a quelques années par Funforge, Gizmo vous en disait beaucoup de bien dans son test.

Cinq ans plus tard paraissait Agricola : Terres d’élevage, une version remaniée du titre jouable exclusivement à deux. Comme son aîné, il a été grandement apprécié à sa sortie, mais on ne le trouvait plus en rayon depuis plusieurs années. Bonne nouvelle : Funforge continue de remettre à l’honneur Agricola et republie Terres d’élevage sous le sobriquet d’Agricola : Les Fermiers de la Lande, un nom que portait pourtant déjà l’une des extensions du jeu. En termes de gamme, les choses commencent à être difficile à suivre, mais heureusement de grosses mentions « La Big Box » et « Jeu pour 2 » sont là pour ne pas vous induire en erreur. Nous n’allons de toute façon pas bouder notre plaisir pour si peu. Enfilez vos bottes et attrapez votre fourche, on retourne au XVIIème siècle dans notre ferme préférée. 

Une Big Box qui porte bien son nom 

Cette Big Box a le bon goût d’inclure tout le matériel que l’on était en droit d’espérer d’une réédition de cette version deux joueurs d’Agricola : le jeu de bases et ses deux extensions. L’autre bonne nouvelle c’est que cela permet enfin d’acquérir le tout à un prix raisonnable. Il y a quelques années, si vous vouliez l’ensemble, vous en aviez facilement pour une cinquantaine d’euros et je vous laisse imaginer à quel point les prix ont pu s’envoler en occasion lorsque le jeu était introuvable en boutique. Désormais, pour environ 30€, vous avez tout !

Notez que pour un jeu se jouant exclusivement à deux sur des parties assez courtes, la mention Big Box n’est pas usurpée. Entre les plateaux, les dizaines de jetons et les nombreuses tuiles représentant les bâtiments, ça fait beaucoup de matériel à stocker, mais on se dit que l’ensemble aurait pu être un peu plus optimisé pour prendre moins de place dans nos étagères.

Agricola simplifié, mais Agricola respecté 

Si vous êtes familier d’Agricola, ce n’est pas cette mouture qui vous déstabilisera. Même amputé de certaines mécaniques et de la moitié de ses tours de jeux, Les Fermiers de la Lande joue sur des ressorts très similaires. Si vous appréciez Agricola – qui soit dit en passant pouvait déjà être joué à deux – cette version allégée vous plaira très certainement.

Trente minutes, c’est le temps d’une partie complète de cet Agricola remaniée, alors qu’on peut facilement compter deux heures pour une partie à quatre de la version classique. Les coupes sont franches et précises, le jeu est épuré, l’analysis paralysis est plutôt rare et le tout ne souffre jamais de l’absence d’une mécanique. On n’hésite pas à sortir Les Fermiers de la Lande entre la poire et le fromage et on a vraiment apprécié qu’il ne faille que quelques minutes pour le mettre en place ou le ranger.

Rentrer ici dans le détail des règles n’aurait pas grand intérêt, cette version est d’ailleurs bien plus facile à appréhender que son aînée. On peut cependant résumer une partie à peu de choses. Au centre de la table, un plateau présentant toutes les actions possibles et les différentes ressources disponibles (matériaux, animaux et bâtiment). Face à chaque joueur, un plateau individuel représentant une ferme qu’il va falloir optimiser pour accueillir un nombre toujours plus important d’animaux (cochons, moutons, vaches et chevaux). Lors de chaque tour et à tour de rôle, les joueurs effectuent une action parmi celles possibles. Lorsque chaque joueur a effectué trois actions, on boucle un tour et on démarre le suivant. Après huit tours, le gagnant est déterminé à l’aide d’un savant calcul prenant en compte le nombre d’animaux dans votre ferme, les bâtiments que vous possédez et la bonne utilisation de votre terrain. C’est efficace, élégant et entièrement compréhensible en deux ou trois tours de jeux.

Stratégie et rejouabilité

Après cela, le tournant stratégique du jeu s’impose assez naturellement. Vos possibilités et votre nombre d’action étant limités, il faudra veiller à optimiser vos coups et à ne pas laisser passer une action particulièrement rentable. On réalisera vite qu’il est impossible de l’emporter sur tous les fronts : posséder un nombre confortable d’animaux de chaque espèce, avoir une grande ferme parfaitement optimisée et bâtir des bâtiments rapportant beaucoup de points. Même s’il est difficile de trop faire l’impasse sur les animaux, il faudra faire des choix, concéder quelques points par ici pour en gagner par ailleurs, et parfois renoncer à des opportunités pour ne pas trop se disperser.

Les différentes stratégies sont aussi guidées par les quatre bâtiments spéciaux mis en jeu en début de partie et que les joueurs pourront acquérir. Dans la première mouture de cette version deux joueurs, on retrouvait toujours les quatre mêmes bâtiments lors de chaque partie. Cumulé au nombre restreint d’actions possibles, on pouvait avoir l’impression que les parties se ressemblaient souvent entre elles. C’est là qu’entrent en jeu les deux extensions incluses dans la Big Box. À elles-deux, elles ajoutent une cinquantaine de bâtiments. Soyons clair : il s’agit d’une addition majeure enrichissant grandement l’expérience de base. Ces dizaines de tuiles apportent ce qu’il faut de variations à chaque partie pour que l’on y revienne avec l’assurance de vivre une expérience un minimum renouvelée. On apprécie réellement qu’un tel choix soit rendu possible, même s’il pourrait presque intimider un couple découvrant le jeu. Un ajout sympathique aurait pu être de conseiller certaines combinaisons de bâtiment s’associant particulièrement bien dans une même partie.

Le poids des années

Il n’y a qu’un point qui nous déplait réellement avec cette Big Box, c’est sa direction artistique qui continue à se calquer sur l’Agricola de 2007. Même si les différents marqueurs ont été remis au goût du jour, tout dans cette Big Box a le goût et l’odeur de l’austérité des jeux à l’allemande des années 2000. Même la règle ne donne pas très envie d’être lue, d’autant plus qu’il s’y cache quelques petites fautes d’inattention qui, heureusement, ne génèrent aucune incompréhension. Sortir ce jeu, c’est un peu comme inviter Angela Merkel pour l’apéro, avec tout ce que cela peut impliquer d’enthousiasmant et de gênant.

Lorsqu’on voit que Caylus – un autre classique de la gestion de ressources – a réussi sa mue quelques mois plus tôt, on ne peut pas s’empêcher d’imaginer qu’Agricola aurait lui-aussi pu revêtir une robe plus moderne. On aurait aimé que cette réédition soit l’occasion de redonner un coup de jeune à Agricola. On aurait aimé que sa boîte attire l’œil des néophytes qui risquent de passer à côté sans en imaginer les qualités. On aurait aimé des jetons de ressource encore plus faciles à distinguer les uns des autres et utilisant d’autres couleurs que le blanc, le noir, le brun clair et le brun foncé (proposer des cochons roses semblait pourtant s’imposer). En l’état, tout fonctionne vraiment très bien, mais il reste difficile d’ignorer la mine réfractaire de certains joueurs lorsqu’on leur propose de découvrir Agricola.