Ah la Russie ! Ses températures glacées, son dirigeant politique mal vu en Occident et sa vodka ! Bon ok, si vous êtes un gros fan de films de série B (voire Z), vous connaissez peut-être également ce pan de la culture de la nation des tsars. Seulement voilà, il existe une autre spécialité russe : le jeu de société. C’est encore relativement récent mais les russes commencent à se faire une place de choix parmi les concepteurs de jeux de société, notamment grâce à leurs gameplays souvent exigeants et très fouillés. Alors sans plus attendre, on va se plonger dans notre sujet du jour : le jeu Viceroy imaginé par Yuri Zhuravlev et édité par Hobby World et Funforge.
La passion de l’Histoire de Laar
Viceroy vous fait endosser le rôle d’un vice-roi (jusque là, tout va bien) qui doit prouver sa valeur en mettant en avant sa capacité à gérer la nation. Pour cela, il va pouvoir compter sur des personnages et des lois qui l’aideront à créer sa pyramide de pouvoir et ainsi générer plus de points de pouvoir (donc de victoire) que ses concurrents afin de mériter sa place dans l’Histoire de Laar – c’est le nom du pays dans lequel se déroule le jeu. Vous devrez donc recruter des forces puis les affecter au mieux à l’intérieur de votre pyramide tout au long des 12 tours qui composent ce défi considérable. Il existe 7 façons (certaines portant sur plusieurs types de jetons à la fois) d’influer sur le score final et votre rôle sera évidemment d’élaborer la meilleure stratégie possible en jonglant avec les 6 sources de points et une façon d’en faire perdre à vos adversaires. Prêts à faire chauffer vos neurones ? Oui, vous en aurez grand besoin.
Pas de panique toutefois, les règles du jeu de société Viceroy sont relativement simples. Chaque tour se déroule en 2 phases distinctes. La première phase est un recrutement (appelé enchères dans les règles mais ce n’en est pas vraiment). Chaque joueur choisit une gemme dont la couleur correspond à l’emplacement de la carte qu’il convoite au milieu de la table (voir la photo ci-dessus pour mieux comprendre) et, s’il est seul à avoir choisi cette couleur, il remporte la carte. Sinon, il participera à un deuxième, voire un troisième tour de recrutement. Quoiqu’il en soit, il perd forcément sa gemme. Une fois qu’un joueur a récupéré une carte, il ne peut plus participer au recrutement pendant ce tour. Pour faire simple : on ne peut avoir qu’une carte par phase de recrutement. Le joueur peut également choisir de ne pas participer aux enchères et récupérer trois gemmes de son choix à la place. La seconde phase concerne le placement des cartes. Il s’agit alors de placer jusqu’à trois cartes Personnage ou Loi dans votre pyramide de pouvoir en respectant les règles de pose, le coût de pose (en gemmes) et, évidemment, les récompenses associées (des jetons de toutes sortes, des gemmes ou même des cartes Personnage/Loi). Voilà, c’est tout.
Des règles simples à assimiler mais qui recèlent énormément de possibilités et de subtilités. S’il est très aisé de comprendre les règles de pose de la pyramide (une carte ne peut être posée que sur deux cartes du niveau inférieur à l’exception du niveau 1, on ne peut pas dépasser le 5e étage, chaque pose sur un étage coûte la gemme de l’étage plus chaque gemme des étages inférieurs, et cætera), il appartiendra à chacun de savoir quand passer son tour pour récupérer des gemmes si besoin, quel personnage choisir, où le placer et même quand le placer puisque rien ne vous oblige à poser vos personnages nouvellement acquis immédiatement. En plus de cela, il faudra évidemment identifier les combos intéressants, déterminer si un coup vaut la peine d’être sacrifié pour gêner un autre joueur ou encore faire montre de bluff et de diplomatie pour récupérer les cartes qui vous intéressent. Par exemple, les nouvelles cartes non récupérées pendant une phase de recrutement seront disponibles à nouveau pendant la prochaine phase mais elles seront définitivement perdues au tour suivant. Ainsi, certaines couleurs de gemmes correspondront à deux cartes et deux joueurs pourront se mettre d’accord pour récupérer chacun l’une d’entre elles. Encore faut-il ne pas vouloir à tout prix la même carte. Cependant, vous pouvez très bien bluffer sur la carte que vous voulez, finir par la céder et ainsi brouiller la vision de vos adversaires sur votre stratégie. Qui sait ? Peut-être même seront-ils plus enclins à vous laisser une carte intéressante plus tard… A moins qu’ils ne bluffent à leur tour ! Si vous voulez aller plus loin, découvrir les règles complètes du jeu, je vous invite à les découvrir ici.
♪ Gemmes, gemmes tes yeux ♫
Le système de gemmes en quantité limitée qui permettent d’acheter des cartes fait penser, au premier abord, à Splendor mais l’on se rend vite compte que la pénurie est beaucoup plus rare, que les gemmes tournent beaucoup et que, finalement, les mécaniques de jeu principales sont bien les combos de carte. Pour donner une idée du type de jeu de société qu’est Viceroy, on se tourne alors rapidement vers 7 Wonders. Et effectivement, même après plusieurs parties, la meilleure façon d’expliquer le jeu de mon point de vue est « Viceroy c’est 7 Wonders avec des combos encore plus importants et en plus long parce que la réflexion est plus intense ». Outre le système de jeu, il faut saluer le travail artistique qui a été réalisé par de nombreux illustrateurs sur toutes les cartes Personnage. Si elles présentent toutes le même genre d’informations (les couleurs de gemmes à compléter, le coût de pose, les récompenses, le numéro de personnage pour déterminer l’ordre de jeu…), pas une seule n’a la même illustration que sa voisine et chacune est superbe. De façon globale, le matériel est d’une grande qualité car les jetons et les gemmes sont également très beaux, surtout lorsqu’on regarde le prix de l’ensemble. Il est rare de voir autant de qualité physique pour un prix aussi raisonnable. On mettra tout de même un petit bémol dû au thermoformage. Si l’intention est louable (et très appréciée), le résultat ne fonctionne malheureusement pas, le classement des jetons n’étant pas compatible avec le format prévu. Peut-être y a-t-il eu un souci entre l’épaisseur voulue et l’épaisseur finale des jetons ? Toujours est-il qu’il est préférable de retirer ce thermoformage pour ranger les précieux items dans des petits sachets qui ne rempliront donc pas entièrement la par ailleurs magnifique boîte du jeu Viceroy.
Mais le principal dans un jeu de société, ça reste tout de même le jeu en lui-même et les mécaniques qu’il apporte. Le groupe avec qui j’ai testé celui dont il est question aujourd’hui (sur des parties de 3 et 4 joueurs) n’étant pas unanime, cela va me permettre d’être le plus complet possible dans cet avis. Tout le monde s’accorde à dire que les mécaniques sont bien huilées, que les possibilités de combos sont énormes, que le jeu ne souffre pas de défaut de conception par rapport à son objectif initial, en somme, tout le monde est d’accord pour dire que Viceroy remplit parfaitement son objectif de proposer un jeu très cérébral aux possibilités multiples et offrant donc des parties toutes différentes. C’est justement là que les désaccords commencent. En ce qui concerne votre serviteur, l’objet m’a comblé tout simplement parce que j’adore les jeux « prise de tête » où chacune de tes actions doit être pensée comme une partie de ta stratégie globale, elle-même soumise à la possibilité de réformes en cours de route en fonction des autres joueurs. Toutefois, l’effort russe propose très peu d’interactions avec les autres joueurs – il faut principalement les observer et parfois négocier lors du recrutement – et sa complexité implique des périodes de réflexions longues qui, de plus, n’interviennent pas forcément au même moment pour tous les joueurs. En effet, la partie de réflexion la plus intense apparaît toujours dans la phase de placement mais, puisque tous les joueurs ne placent pas forcément des personnages (ou du moins pas le même nombre) à chaque tour, certains se retrouvent à attendre. Si vous avez déjà choisi votre action pour le prochain tour, il est vrai que ce temps peut paraître long même s’il est en fait essentiel pour étudier les pyramides adverses et ainsi changer votre propre cap. Pour les mêmes raisons, les parties sont assez étendues dans le temps. Annoncé entre 45 et 60 minutes, nous avons en fait une durée de jeu moyenne de 1h30 et, si votre stratégie s’est révélée mauvaise tôt dans le jeu (il peut arriver que vous tentiez quelque chose et que vous vous rendiez compte au bout de 5 tours que vous avez accumulé un retard impossible à rattraper), vous vous retrouverez un peu « bloqué » là où le concurrent 7 Wonders vous promet de recommencer à zéro dans moins d’une demi-heure. Pour ses détracteurs, le jeu de Yuri Zhuravlev est en fait trop long et calculatoire. Toutefois, si comme moi vous aimez vous faire des nœuds au cerveau et prouver encore et toujours à vos adversaires que vous pouvez prendre le dessus, Viceroy est un must play. Il est par contre déconseillé aux joueurs occasionnels cherchant plutôt un jeu d’ambiance, ce qu’il n’est simplement pas intrinsèquement.
TL;DR
Viceroy est un jeu aux possibilités presque infinies qui promet des parties toutes différentes et intéressantes. Son gameplay en deux phases met l’accent sur la réflexion et la stratégie et imposera à votre cerveau de monter dans les tours. Amateurs de combos, foncez les yeux fermés (enfin pas trop fermés, vous rateriez les superbes illustrations). N’attendez par contre pas de Viceroy qu’il apporte une ambiance à votre soirée jeux, à moins que vous cherchiez le calme et la concentration. Votre pyramide est à portée de gemmes, qu’attendez-vous ?
On aime :
- les possibilités multiples de marquer des points
- la rejouabilité quasi infinie
- la qualité du matériel
On aime moins :
- que le thème soit oublié lors du jeu
- Le thermoformage raté
Craquez vos PO si :
- vous cherchez un jeu tactique en petit comité
- vous accordez de l’importance au matériel inclus dans vos jeux
Quittez la partie si :
- les jeux calculatoires vous rebutent
- vous cherchez un jeu rapide
Vise-moi ce C-C-C-COMBO !
Viceroy est en quelque sorte un 7 Wonders plus complet et complexe. Il fera chauffer vos neurones pour maximiser vos combos de cartes mais laissera les joueurs plus « casu » sur le tapis (russe) tant il est calculatoire. A vous de voir si vous êtes disposés à réfléchir longuement.
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