Le 9 Décembre, Kinepolis présentait pour la première fois sa technologie de projection Laser ULTRA dans son complexe cinématographique de Lomme, dans le Nord. Le soir-même, un marathon de la trilogie du Hobbit y était projeté via cette technologie et, dans la journée, l’enseigne avait invité des représentants de la presse et de certains blogs à découvrir ce nouveau format. KissMyGeek était de la partie, ce qui va nous permettre de vous en apprendre un peu plus sur le sujet.
Kinepolis n’a de cesse, depuis l’ouverture de son premier cinéma à Bruxelles en 1989, de mettre en application sa promesse – celle de « réinventer le cinéma » -, notamment grâce à son équipe technique et ses partenariats. Que ce soient les salles certifiées THX dès l’ouverture, le passage au numérique ou encore les différentes itérations des avancées en matière de son, l’enseigne a toujours voulu être en avance sur la concurrence afin de se démarquer, d’être plus qu’un « simple exploitant de salles de cinéma », selon l’expression utilisée par Bob Claeys (responsable de la fameuse équipe technique). Leur dernier né est un système de projection baptisé Laser ULTRA, donc, et qui repose sur deux technologies de pointe dans leur domaine respectif : la projection au laser développée par la société belge Barco et le système sonore Dolby Atmos. Le tout a vocation à produire une expérience plus immersive pour le spectateur, surtout pour le public plus jeune (disons la tranche d’âge 35 ans et moins) comme on le verra dans la suite de cet article. Mais comme j’ai l’intention ici de faire un article plutôt technique, on va tout de suite évacuer une question pratique : le tarif du billet pour une séance dans la salle équipée Laser ULTRA subit une majoration de 2€, cumulable avec la majoration pré-existante pour les séances en 3D. Ceci amène le prix d’une séance comme celle de The Hobbit : The Battle of the five armies à 15€ en tarif plein pour le « toutes options », ce qui est évidemment une somme conséquente. Après tout, même si l’on a pas eu le montant exact, on sait que l’équipement des 4 salles actuelles (Anvers, Bruxelles, Lomme et Madrid ont chacun une salle) a nécessité un investissement de plus d’1 million d’euros qu’il faut bien récupérer. Ceci évacué, intéressons nous à la technique pour voir ce qu’apporte ce fameux Laser ULTRA.
Dolby Atmos
Dolby Atmos n’est pas une technologie nouvelle au sens où elle avait été présentée à Cannes en 2012. Toutefois, la plupart des cinémas sont toujours équippés de systèmes 5.1 ou 7.1. Ces deux systèmes sont horizontaux au sens où ils placent les sons au milieu, à droite ou à gauche via leurs 5 ou 7 canaux respectivement. Pour rappel, le « .1 » désigne le subwoofer. Donc, en réalité, un 5.1 aura 6 canaux et un 7.1 en aura 8. Mais on n’en parle que rarement puisque ce canal reste identique suivant les technologies. Ce que le système Dolby Atmos apporte, c’est la verticalité. En effet, au travers de ses 64 canaux, il permet de donner au son les propriétés d’un objet. Vous avez bien lu, au lieu de mixer le son dans des canaux, il s’agit à présent de créer des objets sonores ayant, via des métadonnées, des coordonnées spatiales (x,y,z), une trajectoire et des variations de traitement. Evidemment, pour garder une compatibilité avec les installations plus classiques, les conversions 5.1 et 7.1 sont gérées.
Si vous vous intéressez aux techniques du jeu vidéo, cela doit vous parler. En effet, il y a maintenant bien longtemps que les jeux vidéo mixent les sons en multicanal pour que leur position ait plus de sens. Cela renforce l’immersion. Eh bien c’est précisément dans notre industrie vidéoludique adorée que Dolby est allé chercher cette technique pour l’appliquer au cinéma. Et vous allez voir qu’il n’y a pas qu’eux.
Le projecteur laser de Barco
D’abord, de quoi parle-t-on ? Il s’agit d’un projecteur capable d’afficher du 4K (si vous avez vécu dans une grotte jusqu’à aujourd’hui, il s’agit du format destiné à remplacer le full HD, ce que l’on nomme l’Ultra HD) en 60 images par seconde à des niveaux de luminosité très élevés puisqu’il a la capacité de pousser jusqu’à 60 000 lumens, soit environ 3 fois la capacité des projecteurs classiques qui, eux, utilisent des ampoules au xénon. « Mais c’est nul, on s’en fout, les films sont assez lumineux comme ça. » Ah bon ? Vous avez déjà vu un film en 3D ? Personnellement, c’est la raison pour laquelle je déteste la 3D au cinéma. On y perd bien trop de luminosité et l’image en souffre énormément. Alors en théorie, le projecteur utilisé par la technologie Laser ULTRA est capable de diffuser un film en 3D sans perte de luminosité par rapport à sa version 2D (en fait, de compenser la perte de luminosité due aux lunettes). En pratique, ça donne quoi ? Eh ben ça marche ! Je vous expliquerai un peu plus tard comment s’est déroulée la présentation au Kinepolis de Lomme mais je peux vous dire que la projection de Gravity m’a permis de vérifier ce fait.
Le principe de base de la projection actuelle est de créer une lumière intense via une ampoule au xénon, de la diffuser sur un prisme qui va donc la scinder en 3 faisceaux (rouge, vert, bleu) chacun dirigé sur une puce comprenant 2 millions de miroirs qui correspondent en fait chacun à un pixel affiché sur l’écran. Chaque miroir, suivant sa position, détermine si un pixel rouge sera affiché ou non par exemple. Avec ce projecteur signé Barco, la lampe au xénon est remplacée par plusieurs tubes laser de chacune des trois couleurs RVB. Plus besoin de prisme, donc, chaque couleur arrive directement sur sa puce. L’autre changement se situe au niveau de la puce elle-même qui, pour projeter de l’image en 4K a été retravaillée pour accueillir beaucoup plus de miroirs. Outre la luminosité accrue (environ 3 fois celle du xénon puisqu’on arrive à 60 000 lumens), le laser présente un avantage certain pour les cinémas : une durée de vie plus longue. En effet, le constructeur annonce une durée de vie de 10 ans ainsi qu’une consommation énergétique réduite, sans toutefois préciser de chiffres sur ce dernier point. Barco promet également la possibilité de « créer plus de couleurs » mais, peut-être à cause de mon daltonisme, je vous avoue que cet argument me touche peu. En tout cas tant qu’on ne pourra pas créer de couleurs lovecraftiennes.
Ce nouveau projecteur a d’autres attraits technologiques que le laser. D’abord, il incorpore une technologie anti-speckle. Le speckle, c’est un phénomène qui fait apparaitre des sortes de pointillés, un bruit sur l’image. Les cinémas, s’ils voulaient s’affranchir de ce problème, devaient jusqu’alors s’équiper d’écrans vibrants. Ce n’est plus nécessaire avec ce nouveau type de projecteur. D’autre part, cet équipement est capable de projeter du format HFR, que l’on a vu apparaitre avec le premier volet du Hobbit. Rappelez-vous, il y avait eu tout un débat sur l’intérêt de cette norme HFR ainsi que sur les maux de tête que c’était censé provoquer selon certains. En fait, HFR est un acronyme qui veut tout simplement dire High Frame Rate, ce qui signifie que le film projeté utilise plus que les 24 images conventionnelles par seconde. Dans les faits, la norme actuelle prévoit un taux d’images allant jusqu’à 60 par seconde, là où les seuls cinéastes à l’utiliser actuellement (Peter Jackson et James Cameron) se cantonnent à 48. Si vous êtes un lecteur régulier de ce blog, il y a de fortes chances que vous jouiez aux jeux vidéo et que vous connaissiez l’intérêt d’un framerate plus élevé. Mais on va quand même le rappeler : plus il y a d’images par seconde, plus l’action est fluide et moins les mouvements de caméra réduisent la qualité de l’image. Au cinéma, la différence est particulièrement visible sur un traveling en pleine nature, par exemple les scènes iconiques du Seigneur des anneaux et du Hobbit où le réalisateur filme de grandes étendues avec les personnages qui courent. En 24fps (frames per second / images par secondes), les paysages sont flous et ils le sont d’autant plus qu’ils sont proches car il existe moins d’images de ceux-ci (forcément, ça passe plus vite). En HFR, tout est beaucoup plus fluide et les paysages sont donc plus naturels, plus beaux. Le problème pour les cinémas, c’est que tout le public n’est pas intéressé par ce HFR. Il y a même de véritables réfractaires. Pendant la projection des tests, j’ai pu me rendre compte qu’il y avait réellement un blocage fait par certains journalistes présents qui trouvaient que ça dénaturalisait le cinéma et que « ça faisait trop bizarre ». Effectivement, beaucoup sont attachés au format classique du 24fps, pourtant né d’un simple problème pécunier à la base (puisqu’avant le numérique, un framerate plus haut aurait signifié une bande plus longue pour la même durée de film et que la bande coûtait très cher en plus d’être problématique pour le stockage). Si le cinéma s’est inspiré du jeu vidéo pour cette évolution, il faudra donc peut-être attendre que la population de « gamers » (ou du moins de personnes habituées aux jeux vidéo) grandisse encore un peu avant que cette norme HFR ne s’impose réellement dans le milieu.
Sur le papier, c’est beau mais en vrai, ça donne quoi ?
Pendant la présentation, des démonstrations techniques nous ont été présentées faisant la part belle au système de son Dolby Atmos, au 4K et au HFR. Comme je vous l’ai dit, la différence sur les travelings est très appréciable en HFR et même ceux qui y sont réfractaires ont bien été obligés de l’admettre (se rabattant donc sur des « oui mais ça fait pas ciné, on dirait un documentaire ou un reportage »). Pour ceux qui ont vu les films du Hobbit dans ce format, vous avez du remarquer que les combats étaient également beaucoup plus fluides et agréables à regarder. En ce qui concerne l’aspect 4K, comme vous vous en doutez, ça donne des images beaucoup plus détaillées. Vous avez peut-être déjà vu le rendu 4K sur des téléviseurs en démo dans les Fnac et autres Boulanger mais je vous assure que sur une toile de 24m, c’est une toute autre claque qu’on se prend ! En ce qui concerne le son, j’ai été vraiment bluffé. J’ai fermé les yeux plusieurs secondes pour tenter de localiser les sons sans jamais me référer aux images et je dois dire que c’est d’une précision incroyable. On peut dire que j’ai été conquis par les démos techniques. Restait donc le gros point de doute pour moi : la 3D. Il était prévu que le Kinepolis de Lomme nous fasse la démonstration des capacités totales de son Laser ULTRA lors d’une projection du troisième volet du Hobbit dont les avant-premières ne commençaient normalement que le soir même. Malheureusement, des problèmes de mauvaises clés envoyées par la branche France de Warner (je suppose qu’il s’agissait des mots de passe pour accéder au FTP ou bien de clefs pour un cryptage sur le fichier lui-même) ont empêché le cinéma d’effectuer cette projection anticipée. Je tiens tout de même à signaler qu’il nous a été offert d’assister au marathon des trois films du Hobbit le soir même pour que l’on puisse admirer le spectacle prévu puisque ledit marathon allait être projeté en Laser ULTRA. Malheureusement, des obligations personnelles ne m’ont pas permis de bénéficier de ce cadeau mais je voulais signaler ce beau geste de l’enseigne. Pour que l’on puisse tout de même prendre la mesure de la différence de luminosité entre les projections 3D classiques et celle du Laser ULTRA, il a été décidé de nous projeter le film Gravity. Ca tombe bien, je l’avais vu en 3D et j’ai donc pu constater la différence. Pari tenu pour le système de projection Laser ULTRA sur tous les plans techniques !
Quel futur pour la technologie ?
Tout cela est bien joli mais l’industrie cinématographique est-elle prête à utiliser ces innovations ? Parce qu’il faut bien se rendre compte qu’on ne parle ici nullement d’upscaling et que, pour utiliser les possibilités offertes par le Laser ULTRA, il faut que le film soit prévu pour ces normes. Un film en 24 images par secondes ne va pas se transformer en film en 60 images par seconde par magie et des pistes audio pour du 5.1 ne vont pas évoluer toutes seules en un mixage Atmos. Si j’ai tendance à être du même avis que Bob Claeys quant au futur standard du HFR, il faut bien admettre qu’il n’y a pour le moment que deux réalisateurs qui travaillent avec cette norme, à savoir Peter Jackson sur la trilogie de The Hobbit et James Cameron sur ses futures suites d’Avatar. Il faut, en plus, noter qu’ils ne travaillent pas en 60 images par seconde comme le système le permet mais en 48, soit le double d’un frame rate cinématographique classique. Du côté du son, par contre, le système Dolby Atmos est en bonne voie d’adoption à grande échelle et, dès cette année, le Kinepolis pourra exploiter cette part avec le film Exodus : Gods and kings, prévu pour le 24 Décembre, puis Big Hero 6 (Les Nouveaux Héros en VF) qui sortira dans nos salles en Février. Nul doute que d’autres films suivront très vite. A côté de ça, le groupe espère utiliser cette technologie pour la projection d’évènements sportifs et culturels, dont un concert de Lady Gaga sur lequel il travaillerait déjà pour Janvier. Pour le reste, le Laser ULTRA garde un atout intéressant pour ceux qui sont prêts à y mettre le prix : celui de projeter de la 3D sans perte de luminosité. A titre personnel, je pense que l’enseigne a fait le bon choix en se positionnant très vite sur ces innovations technologiques mais seul le temps nous dira si c’est vraiment le cas.
6 Comments
Eskarina
26 Déc 2014 2:38Ça c’est de l’article de fond super intéressant ! Et qui fait envie… Merci Gizmo !
Nalaweb
26 Déc 2014 2:42Bonjour,
j’étais présent moi aussi à la conférence de presse et comme tout le monde je crois, j’ai halluciné devant la vidéo de démonstration à 60fps. C’est d’une beauté ! et que dire du son Dolby Atmos, cristallin et immersif !
Cette technologie très coûteuse pour le cinéma et donc pour le client finale a-telle un réelle avenir? Le client est-il prêt à supporter le coût de l’ultralaser ? et les réalisateur sont-il également prêt à jouer le jeu de leur côté ? L’avenir nous le dira!
Gizmo
26 Déc 2014 2:50Bonjour et merci pour le partage sur Twitter 😉
Comme vous, j’attends de voir si le public se montrera assez intéressé pour que les investissements soient rentables à grande échelle (parce que je pense que les réalisateurs adopteront la technologie HFR si le public y adhère. Quant au 4K, je ne doute pas un instant que les oeuvres fleuriront dans les années à venir et Atmos commence déjà à faire son trou). Mais techniquement, effectivement, c’est très impressionnant !
Nalaweb
26 Déc 2014 8:33Si le public comprend l’intérêt de cette technologie, elle peut effectivement s’imposer. Malheureusement entre la 3D, l’ultralaser, … ça fait cher du ticket. 15€ la place pour un package complet ça fait un sacré trou dans le budget pour une famille moyenne avec enfants. Ce n’est donc pas une technologie qui s’adresse à tout le monde pour le moment.
En revanche pour le cinéphile averti, c’est une véritable révolution. Prochaine étape l’odorama, la réalité augmenté et les sièges qui bougent en fonction l’action du film? Quoi que tout ceci a déjà était fait, au moins en partie.
Chevalier
18 Jan 2015 10:47Est-ce que c’est la même technologique que les salles en imax ou concurrente ? l’imax est en 4k HFR avec un son laser.
Pour les sièges qui bouge ça existe déjà dans mon cinéma à Genève, c’est la technologique D-Box.
Malheureusement c’est le fric qui passe avant tout, si on ajoute les supplément imax, 3d et d-box ça double presque le prix de la place. Du coup j’ai préféré voir le dernier Hobbit en 2d toute simple et c’était largement suffisant.
Gizmo
18 Jan 2015 11:30Bonjour Chevalier (ça fait très role play dit comme ça 😉 ).
Non, ce n’est pas la même technologie que l’IMAX. En fait, IMAX est une norme qui ne nécessite pas forcément du HFR ni de la 4K, simplement 15 perforations par image sur une bande de 70mm (si je ne m’abuse). Effectivement, certaines salles sont équipées d’un système de projection IMAX 4K HFR et 3D. Si c’est le cas de la salle que vous avez l’habitude de fréquenter, alors elle se rapproche du système Laser ULTRA.
Toutefois, il reste deux éléments qui sont primordiaux dans la technologie présentée dans cet article :
– La projection Laser (pas le son mais bien la projection) qui, comme je l’ai expliqué, permet d’avoir une image aussi claire en 3D qu’en 2D (et techniquement, on pourrait faire encore beaucoup plus clair mais je ne vois pas d’utilisation cinématographique pour ça à ce jour).
– Le système sonore Dolby Atmos. Il est à noter que ce dernier commence à se répandre dans les salles obscures et que Kinepolis est loin d’être le seul à l’utiliser. Toutefois, ce système fait partie intégrante du Laser ULTRA.
En ce qui concerne l’aspect technologique pur, les puces utilisées dans les salles IMAX 4K et celles utilisées par le Laser ULTRA sont effectivement les mêmes. La principale différence entre ces deux méthodes vient de la source de lumière puisque les systèmes classiques projettent une lumière au xénon sur un prisme qui, lui, a pour objet de répartir les rayons lumineux sur chaque puce tandis que le Laser ULTRA utilise trois sources lumineuses, des lasers (en fait 6 car chaque laser est doublé pour des raisons d’internationalisation), chacune dirigée directement sur sa propre puce. Il en va de même pour le HFR qui est soumis à une norme très détaillée et dont l’implémentation dans le système Laser ULTRA est comparable à celles que l’on trouve chez les concurrents. L’intégration de ces technologies en une seule entité de projection permet, en outre, de limiter l’augmentation du prix des places (bien que cette majoration existe tout de même).
En ce qui concerne la D-Box, j’avais eu l’occasion de tester ce dispositif lors d’une démo en Avignon mais, personnellement, je n’y ai pas vu un grand intérêt. Je ne sais pas ce que vous en avez pensé, peut-être la démo n’était-elle pas bien réalisée.
J’espère avoir répondu à vos questions. Bonne journée et merci de nous lire !