La nuit est tombée à l’extérieur du Palace. Les passants traversent le quartier sans un regard pour les spectateurs qui sortent de la dernière séance de Zombie Night Terror. En quelques secondes, la drogue change de main, s’infiltre dans les organismes, atteint les cerveaux. Le sang bout, les estomacs se retournent, les corps s’effondrent… et se relèvent, un râle rauque et languissant au bout des lèvres. En quête de nourriture, ils marchent, trébuchent et progressent inlassablement vers leurs victimes, piégées par la peur. La nuit de terreur débute.
« Ils ont le cerveau gros comme un petit pois. Leur spécialité, c’est la marche : donc, lorsqu’ils se retrouvent dans un environnement dangereux, ils marchent en ligne droite et finissent par plonger dans une rivière, se faire écraser, tomber d’une falaise ou se font brûler vifs. Votre tâche est d’empêcher une mort collective et de guider ces têtes de linottes depuis l’entrée jusqu’à la sortie de chaque niveau, sans catastrophe majeure. »
C’est avec ces mots que le désormais disparu magazine PC Review décrivait un célèbre jeu sorti sur Amiga, Atari ST et PC en 1991 : Lemmings. Le but était relativement simple : mener une série de petits personnages aux cheveux vert et sans aucun esprit d’initiative d’un point A à un point B. Lemmings a donné de nombreuses suites et remakes, mais surtout de l’inspiration. Inspiration assumée qui se ressent chez les développeurs du studio indépendant marseillais NoClip : Zombie Night Terror est un « Lemmings-like », où les petites créatures suicidaires sont remplacées par des zombies, et le but n’est pas le sauvetage mais la destruction.
Brainzzz
En lançant Zombie Night Terror, on se retrouve directement plongé dans cette ambiance de pixels du début des années 90. Le jeu est sombre, la patte graphique est assumée rétro, et la musique annonce la couleur. Et après une brève introduction contextuelle, vous voilà maître de vos propres zombies. En vue 2D à la manière d’un Lemmings, les morts-vivants marchent, sans but, droit devant. Au moindre être humain croisé (hurlant de peur généralement), les dents attaquent la chair et un nouveau membre rejoint votre armée de macchabées. A vous alors d’utiliser votre cerveau (le seul disponible dans ce jeu) pour donner des instructions à vos zombies, afin de briser une porte, monter un escalier, détruire un équipement électrique et finalement atteindre la sortie du niveau.
Simpliste au premier abord, Zombie Night Terror gagne rapidement en complexité. De nouvelles variétés de zombies, disponibles sous forme de mutation, se débloquent progressivement pour le joueur. Chacune de ces mutations est annoncée et expliquée en cliquant sur un écran de télévision dans le niveau, où les instructions apparaissent alors sous la forme d’un journal télévisé complètement décalé. A vous ensuite de faire bon usage de ces mutations : transformer un zombie lambda en Commandeur et lui donner le pouvoir d’imposer une direction aux autres, évitant ainsi les suicides massifs du haut d’un précipice, permettre à un zombie de sauter au dessus d’un puit, ou encore les transformer en Griffu, capable de grimper sur les murs et d’atteindre les conduits inaccessibles.
Eat, Die, and Retry
Tout le gameplay du jeu est basé sur l’utilisation et la combinaison des ces différentes mutations afin de parvenir à dépasser les obstacles et pièges et résoudre les énigmes qui se dressent sur le chemin de vos marcheurs. Mais côté level design, les gars de NoClip ont mis le paquet. Après quelques niveaux d’entraînement pour comprendre et utiliser vos mutations, vous êtes lâchés dans des niveaux qui vous mettront bien souvent en difficulté afin de stimuler votre matière grise. Et sur les 40 niveaux que propose le jeu, les défis ne manqueront pas. Je retiendrai, à titre d’exemple, le niveau du stade où vos zombies vont sans cesse d’un bout à l’autre de la pelouse en essayant de survivre le plus longtemps possible aux passages d’un camion ratisseur, aux coups de pieds retournés des pom-pom girls ou bien aux charges effrénées des joueurs bodybuildés de football américain.
Car l’environnement n’est pas votre seul ennemi. Contrairement aux Lemmings dont la vie ou la mort ne dépendait que de votre capacité à réagir face à un obstacle, Zombie Night Terror possède également son lot de proies plus ou moins dangereuses. Parmi les humains, vous serez amenés à rencontrer des videurs de boîte de nuit aux poings férocement fracasseurs, des agents de sécurité doués de la gâchette ou encore des policiers à l’arme automatique qui descendront vos zombies les uns après les autres. A vous de trouver une faille, de contourner, de foncer, de défoncer, bref de créer votre voie et d’avancer coûte que coûte.
Rétro-vivant
Ajoutez à cela la présence de « guests » et de boss, dont je ne dévoilerai pas ici les noms pour éviter de spoiler, et le jeu prend une tournure très différente des Lemmings : il quitte l’univers sans âme et sans vie de son ancêtre pour immerger le joueur dans un monde bourré de clins d’oeil et de références, notamment aux grands films de cette époque. L’élève surpasse le maître et donne une leçon aux Lemmings : un contexte vivant, un but, et une histoire (même tirée par les cheveux) permettent au joueur de vouloir désespérément traverser chaque niveau, voir le suivant, voir jusqu’où va la créativité de NoClip.
Au niveau de la bande son, les tympans prennent tout autant de plaisir. La musique est travaillée pour rendre toute l’ambiance 90’s avec brio. Le son nous plonge directement dans nos souvenirs arcade, et je ne peux m’empêcher de repenser aux mélodies électro agressives et rétro de Streets of Rage (nom de l’un des niveaux du jeu par ailleurs) sur Megadrive. Chaque bruit, chaque mélodie éveille notre nostalgie, et je ne peux que vous inviter à écouter l’OST du jeu pour manger du pixel par les oreilles.
A ce jeu, il ne manque peut-être qu’un mode multijoueur. La possibilité de jouer certains niveaux en parallèle avec un (ou plusieurs) autre(s) joueur(s), sorte de course à la destruction, à la manière d’un Lemmings sur Super NES aurait été un plus pour la durée de vie et la rejouabilité.
Le mot de la faim
Zombie Night Terror est un Lemmings-like, inspiré du jeu désormais célèbre de Psygnosis. Inspiré seulement, car le jeu va plus loin, dans l’immersion, dans les mécaniques de jeu, dans la contextualisation, dans l’ambiance, tout réussit aux marseillais de NoClip. A l’instar d’un Civilization où le joueur se dit inlassablement « Encore un tour, juste un tour », ici l’on se dit « Encore un niveau, juste un niveau ». Difficile de décrocher de ce petit bijou de nostalgie, mêlant à la fois jeu rétro, musique envoûtante et zombies à la Romero. Finalement, c’est peut-être cela le but de Zombie Night Terror : faire du neuf avec du vieux, faire du vivant avec du mort, faire jouer les nostalgiques et les néophytes sur un même jeu, avec le même plaisir. Allez, j’y retourne, encore un niveau, juste un.
On a aimé :
- Le brillant retour du Lemmings-Like
- Etre le maître des zombies
- L’OST magnifiquement rétro
- Le challenge du jeu pour le cerveau
On a moins aimé :
- L’absence d’un mode multi…
- … et … c’est tout…
Craquez vos PO si :
- Vous avez aimé Lemmings
- Vous aimez être le cerveau de la bande
- Vous voulez sauver votre prochain d’une seconde mort imminente
Quittez la partie si :
- Vous n’aimez pas les jeux à réflexion
- Vous en avez marre des zombies
- Vous aimez les graphismes ultra-réalistes
Gnuuhhaaa
Des zombies en guise de lemmings, du sang et des cris à la place des "oh no!", Zombie Night Terror est un véritable puzzle-game dont VOUS êtes le cerveau.
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