On entend souvent « les jeux vidéo c’était plus dur avant, maintenant y en a que pour les casu ». Si cette phrase me semble une ineptie complète, il faut bien avouer que les jeux mis en avant ne représentent que rarement un véritable défi. Heureusement, depuis quelques années les roguelikes ont le vent en poupe et c’est l’un des derniers sortis – The Swindle, développé par Dan Marshall – auquel on va s’intéresser pour tenter d’enfin mettre un terme à cette sempiternelle complainte.
Prise-entation
Scotland Yard est sur le point de mettre en place une solution de surveillance ultime – nommée The Devil’s Basilisk – qui a pour ambition de mettre fin à l’insécurité matérielle. Évidemment, ce n’est pas du goût des cambrioleurs qui y voient une menace incommensurable. Mais oubliez tout de suite l’ambiance et les gentlemen de White Collar (ou FBI : Duo très spécial pour les anglophobes) car ici, les cambrioleurs évoluent dans un Londres victorien steampunk fourmillant de robots et de machines étranges en tous genres. The Swindle vous fera donc incarner un (ou plus probablement plusieurs) de ces voleurs dont le but est de réunir assez d’argent pour préparer le casse du siècle : le vol du Devil’s Basilisk dans les locaux mêmes de Scotland Yard, prévu 100 jours après le début du jeu. Ça, c’est pour l’histoire. En pratique, chacun de ces 100 jours représente en fait une tentative de casse et cette unité de temps sera consommée quelle que soit l’issue de votre essai. Si votre cambrioleur enchaîne les missions réussies, il gagnera des bonus (des multiplicateurs pour gagner plus d’argent). S’il meurt, vous le perdrez – ainsi que tous ses bonus – et continuerez l’aventure avec un(e) de ses collègues.
« Trop facile » dites-vous. Absolument pas ! D’abord, il faut savoir que si The Swindle se présente comme un jeu de plateformes, il tient évidemment aussi du jeu d’infiltration (vu le thème, vous vous en doutiez) mais avec une bonne grosse dose de roguelike pour bien vous martyriser. Ensuite, oubliez tout espoir d’aide ou de tutoriel : il n’y en a aucun et vous devrez tout déduire de vos essais infructueux. Heureusement, le design du jeu étant très bien pensé, on comprend assez vite les différentes mécaniques, qu’il s’agisse des patterns des ennemis, de leur champ de vision (difficile de le rater, il est carrément affiché à l’écran), des limitations de notre personnage, etc… Mais il n’empêche qu’on est sur du die&retry (et encore, pas tout à fait comme on le verra plus tard). Enfin, j’en vois deux au fond qui gloussent en pensant avoir eu une idée de génie mais non messieurs dames, impossible d’utiliser des fastsaves ou des checkpoints, il n’y en a pas. Vous ratez une mission ? Vous perdez un jour et vos bonus, ce n’est pas négociable. Vous vous trompez au moment d’acheter une amélioration ? Retournez donc farmer des livres sterling ! Vous vous plantez à la dernière mission ? Pas de bol, c’est reparti… Il vous faudra donc trouver le juste milieu entre l’avarice et la sécurité pour ne pas pousser trop loin votre chance et repartir à temps pour empocher un butin conséquent.
Casse-ino
Là, si vous êtes un joueur plus ou moins expérimenté, vous devez craindre la monotonie et la répétition à ce stade. Après tout, si on résume, on a 100 missions à faire avec le même objectif – à savoir voler de l’argent sans se faire repérer – avant d’être testé par un ultime niveau plus compliqué que tous les autres. C’est sans compter sur deux éléments très importants du jeu de Dan Marshall : la génération procédurale des niveaux et l’introduction progressive de nouveaux ennemis ou éléments avec lesquels interagir. Le premier aura évidemment comme effet de vous empêcher d’apprendre par cœur un run. On n’est pas dans Mario ici, le speed run est impossible. Je ne sais pas si c’est précisément la volonté du développeur – j’espère pouvoir lui poser la question prochainement – mais ça donne un côté bac à sable libérateur. Comme un « vas-y éclate-toi, fais comme tu veux pour arriver à tes fins, moi je m’en lave les mains ». Cette génération aléatoire aura aussi la particularité de provoquer chez vous une certaine frustration lorsque vous vous rendrez compte que l’un des ordinateurs à hacker n’est pas accessible car aucun chemin n’existe pour le rejoindre, du moins pas avec vos capacités actuelles. Le second mécanisme évoqué vous obligera quant à lui à intégrer de nouveaux patterns mais vous permettra aussi de mettre en place de nouvelles stratégies en retournant certains pièges contre vos adversaires par exemple. Dans le même temps, l’introduction d’un nouvel élément pourra vous donner envie de crier en pensant à une amélioration que vous avez négligée et qui aurait été parfaite pour cette situation. D’ailleurs, vous pourrez vite vous retrouver dans l’impossibilité de ne serait-ce qu’entrer dans un niveau si vous n’avez pas acheté la bonne amélioration. C’est rageant sur le coup mais, étant donné que je pense que The Swindle est pensé pour qu’on fasse une première partie affreuse juste pour apprendre et repérer toutes les erreurs à éviter, ça se tient.
The Dillinger Escape Plan
Si vous avez peur que le côté infiltration ralentisse trop le jeu, sachez que Dan Marshall a trouvé une super idée pour ça : ne pas vous punir directement si vous vous faites repérer. En effet, déclencher l’alarme ne provoquera pas la mort de votre voleur mais cela vous fera entrer dans une seconde partie du jeu, résolument orientée action. Vous serez activement recherché par de nouveaux ennemis tandis que ceux déjà en place continueront leurs rondes classiques. Le but sera alors de retourner à votre pod – laissé au début de la mission – sans vous faire tuer pour conserver le butin que vous aurez réussi à amasser. Je vous laisse imaginer l’effet que le stress occasionné aura sur vos réflexes et donc sur les déplacements de votre personnage…
Vol exponentiel
La courbe d’apprentissage est raide et cette pente ne fait que s’accentuer au fur et à mesure que l’on récupère de nouvelles capacités (ça y est, vous avez la blague de l’intertitre ?). Les améliorations de déplacement sont notamment assez difficiles à prendre en main au début puisqu’elles changent votre façon d’appréhender chaque casse. Je ne peux pas compter le nombre de fois où j’ai raté un saut et maudit ma pauvre touche qui n’y était pourtant pour rien alors que mon voleur tombait inéluctablement vers une mort certaine par empalement ou autres réjouissances. On pourrait croire que cette difficulté est rédhibitoire mais il n’en est rien puisqu’elle ne tient pas à un mauvais level design ou à des implémentations de contrôles hasardeuses. Chaque mort est vraiment vécue comme un échec personnel. Si je meurs, c’est que j’ai raté une action ou trop pris confiance et sous-évalué un danger. Résultat, je ne pense qu’à une chose : prendre ma revanche contre le jeu en vidant le prochain niveau. Et si les améliorations en tous genres aident à progresser, aucune ne permet de faciliter le jeu au point que l’on se sente en sécurité. Il faut s’y faire. The Swindle est un roguelike et ça veut dire qu’on ne peut jamais se reposer sur ses lauriers. Étrangement, la partie du jeu qui m’a le plus surpris est celle après que l’alarme a été déclenchée. Dans les premiers niveaux, ça met un petit coup de pression mais on ne galère pas trop à évacuer les lieux avant l’intervention de la police. Mais après un certain temps, on commence à voir des obstacles apparaître comme des barrières électriques par exemple. Du coup, on a beau avoir préparé notre coup en étudiant les lieux, le moindre faux pas renvoie toutes nos connaissances du niveau à la poubelle et on se prend vite les pieds dans le tapis. C’est d’ailleurs l’une de ses séquences rapides qui m’a finalement convaincu d’abandonner le clavier au profit de la manette.
Maintenant que je vous ai dit tout ça, il faut que je vous fasse un aveu : je n’ai toujours pas réussi à battre le jeu. J’ai encore recommencé une partie mais je ne pouvais pas attendre d’être enfin victorieux pour éclairer un peu The Swindle. Si vous êtes du genre persévérant, jouez-y, vous ne le regretterez pas !
En bref
The Swindle est l’enfant bâtard de Spelunky, Mark of the Ninja et d’un jeu d’infiltration (je vous laisse choisir lequel même si le côté steampunk rappelle forcément Dishonored). Malgré ses graphismes choupi-trognons, il ne vous fera aucun cadeau et attendra de vous une attention aux détails à chaque instant. Cette absence de pitié couplée à une justice froide (vos morts ne peuvent être dues qu’à vos propres erreurs) rendent le jeu extrêmement addictif et je suis prêt à parier que même après votre 50e mort, vous continuerez la partie, une envie de revanche vous empêchant d’éteindre votre système de jeu.
On aime :
- la cruauté subtilement dosée du titre
- la direction artistique
- la clarté de la conception qui rend inutile tout tutoriel
On aime moins :
- la combinaison de la limite d’essais et de l’impossibilité de récupérer une sauvegarde qui pourrait créer une difficulté trop forte et donc une barrière pour certains joueurs (c’est vraiment pour pinailler)
Craquez vos PO si :
- vous aimez Mark of the Ninja et Spelunky
- le challenge vous intéresse
Quittez la partie si :
- la difficulté d’un roguelike vous fait peur ou vous agace
Casse la baraque
Savant mélange de plateforme et d'infiltration, The Swindle séduit par sa capacité à vous donner du plaisir en vous torturant. Le jeu d'action qui commence une fois que l'on est repéré apporte également un vent de fraîcheur cassant la monotonie qui aurait pu s'installer.
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