A l’écran apparaît le menu du jeu. Tomb Raider… Débutant la partie en pleine montagne, la jeune femme avance en suivant mes commandes. Pas le temps de contempler le décor, voilà déjà un obstacle de taille. Sortant un double 9mm de son holster, Lara Croft effectue un saut périlleux arrière en canardant autour d’elle. Le loup s’effondre, truffé de plomb. Le sourire aux lèvres, fier de cet instinct de survie, j’avance dans la grotte et tombe dans un puits caché. Lara Croft meurt sous mes yeux, empalée sur des pieux de bois… Restart.

Rise of the Tomb Raider, développé par Crystal Dynamics et édité en 2015 par Microsoft, a eu le droit à une année d’exclusivité sur Xbox. Fin d’exclusivité oblige, Square Enix sort le jeu sur PS4 à l’occasion du 20ème anniversaire de la licence. Tomb Raider, premier du nom, est sorti sur Playstation en 1996. Lara Croft, archéologue britannique et héroïne du jeu, dézinguait alors à l’arme de poing toute la faune et la flore du Pérou, de la Grèce et de l’Egypte à la recherche d’artefacts. A l’époque, les méthodes archéologiques douteuses de la jeune anglaise n’avait que peu d’importance face à sa plastique polygonale et son flegme légendaire devant les épreuves et énigmes redoutables du monde entier. Evolution des générations et des consoles, et après 8 jeux à son compteur (sans compter Tomb Raider: Anniversary), Tomb Raider est rebooté par Crystal Dynamics en 2013. L’occasion de transformer Lara Croft, héroïne surentraînée, froide et méthodique en une nouvelle Lara, fragile, inexpérimentée et dépassée par les évènements. Le pari fonctionne, le jeu est une réussite et le nouveau Tomb Raider est adopté par la plupart des joueurs.

 

 

Le Père, le Fils et les Trinitaires

 

En 2015, la sortie exclusive sur Xbox de Rise of the Tomb Raider, sequel du reboot (ou suite du redémarrage), est une plaie pour les possesseurs de PlayStation. Après avoir rongé notre frein une année durant, le voici. Rise of the Tomb Raider arrive sur PS4, agrémenté de tous les DLC sortis jusqu’ici et d’un bel emballage à l’occasion du 20ème anniversaire. Je tiens d’ailleurs à souligner la réussite de ce packaging spécial anniversaire.  La boîte du jeu sous forme d’un livre contenant des artworks des équipes de développement et des fans est un véritable petit plaisir de joueur matérialiste. Il est encore possible en 2016 de faire des jeux dans un bel emballage et pour un prix « normal ». Bon point!

 

Côté jeu, on retrouve sans surprise Lara Croft parcourant le monde sur les traces d’un prophète et son artefact divin source d’immortalité, l’objet de convoitise de son père avant sa mort brutale. De la Syrie aux plaines enneigées de la Russie, elle se retrouve confrontée  à une secte/milice privée lourdement armée, les Trinitaires, dont le chef peu charismatique se sent investi d’une mission divine pour obtenir ce même artefact. Disons-le clairement, le scénario n’est pas grandiloquent. Mais il a le mérite de mettre le projecteur sur le passé de Lara, notamment sa relation avec son père. Ici, le côté humain de Lara Croft, déjà exploré en profondeur dans le reboot Tomb Raider, est encore mis en avant. Lara est vivante, sensible, et motivée par une quête personnelle liée à son histoire familiale. Et on a envie de la suivre, d’en apprendre un peu plus sur celle qui deviendra ensuite (peut-être) l’archéologue en short et aux doubles pistolets de nos souvenirs.

 

 

Arc à poulie en kit

 

Pour ce nouvel opus, Crystal Dynamics reprend les bonnes recettes du précédent et récidive. Armé d’un arc de fortune et d’un piolet, le joueur chasse, récolte et progresse dans la neige et les grottes. En découvrant des feux de camps sur le parcours, il est possible d’améliorer ses armes et équipements grâce aux différents ingrédients récoltés sur le chemin. Ainsi, votre arc en bois pourra être équipé d’une corde cirée ou d’un repose-flèche vous permettant de gagner en rapidité ou en précision. Idem pour les armes à feu (c’est fou ce qu’on peut faire avec une kalachnikov et quelques bouts de corde). Vous aurez également la possibilité de récupérer des pièces d’armes plus performantes dans certains coffres. Une fois toutes les pièces récupérées, vous pourrez fabriquer un arc digne de ce nom ou une arme à feu plus puissante.

 

 

Progresser dans le jeu et éliminer les ennemis permet de récolter de l’expérience. Celle-ci vous sert ensuite de monnaie d’échange contre des aptitudes que vous pourrez obtenir aux feux de camp (encore). Pouvoir tuer depuis les hauteurs, améliorer l’expérience obtenue lors d’un assassinat furtif ou encore pouvoir tirer trois flèches en même temps, votre Lara Croft est augmentée et améliorée au fil des heures de jeu. Au cours de l’histoire, vous serez également amené à apprendre de nouvelles capacités nécessaires à la progression, comme celle de pouvoir tirer des flèches reliées à un corde afin de pouvoir fabriquer des tyroliennes de fortune ou détruire des éléments de décor. Si jusqu’ici Rise of the Tomb Raider à un goût de déjà vu, rassurez-vous, c’est normal. Le jeu est très proche de son précédent opus, jusqu’à en mimer les mécanismes. A tel point qu’après quelques heures, on se demande si l’on est pas en train de rejouer au Tomb Raider de 2013.

 

 

Option grec ancien

 

Certaines nouveautés dans le gameplay se démarquent cependant. Par exemple, Lara débute désormais l’aventure avec une faible connaissance en langues mortes ou étrangères. Trouver et lire des documents, des stèles ou des fresques vous permet d’augmenter votre niveau de langue et d’être capable de lire certaines inscriptions qui pourraient vous révéler des informations utiles ou des secrets cachés sur la carte. Un concept intéressant qui mérite d’être encore approfondi.  Le jeu se veut cependant parfois trop simple. Tout est guidé, assisté, à l’image du début du jeu qui vous explique la moindre action à réaliser et ne vous laisse donc aucun moment d’hésitation ou de réflexion. Les parois sur lesquels il est possible de sauter ou d’escalader sont clairement identifiées dans le paysage par des marques de peinture blanche ou une texture particulièrement reconnaissable. Ajouter à tout cela la présence de l’instinct, ce mode de vue mettant en surbrillance les éléments importants et les objectifs, et vous êtes sûrs de ne jamais vous retrouver coincer dans le jeu. Un comble quand on remet la main sur l’un des premiers Tomb Raider dont la difficulté semble infernale en comparaison.

 

 

Tomb Raider quand même

 

Attention néanmoins, même si le jeu est clairement peu novateur par rapport à son prédécesseur, il n’en reste pas moins très bon. Il est une excellente aventure, bien orchestré et mis en scène, qui saura donner quelques montées d’adrénaline au joueur par ses scènes les plus spectaculaires. On retrouve également la présence des tombeaux optionnels, dont l’exploration nécessite de se frotter à quelques énigmes comme on les aime. Les tombeaux sont des étapes indispensables pour tout ceux qui veulent réellement retrouver l’âme originelle d’un Tomb Raider. Ici, pas d’ennemis, pas d’explosions ou de boss. Ces passages sont des moments d’exploration pure. Le joueur devra ruser et user du gameplay pour trouver le chemin vers la récompense et la sortie. Ces quelques moments de grâce sont une véritable pause dans le rythme effréné de ce Tomb Raider, mais ils se mêlent agréablement bien à la structure générale du titre.

 

 

Du vieux beau

 

Graphiquement, Rise of the Tomb Raider fait honneur à la PS4. Le jeu est beau, même très beau par moment. Les décors sont bien travaillés, on s’émerveille devant les paysages et personnages de ce Tomb Raider. Malheureusement pour lui, il a un défaut majeur dont il ne peut se racheter: il sort sur PlayStation un an trop tard. Entre temps, Uncharted 4 est passé par là, et le jeu se frotte à un concurrent qui a placé la barre bien trop haut. En comparaison avec le jeu de Naughty Dog, Rise of the Tomb Raider traîne la patte. On trouve donc plus facilement ses défauts: des jeux de lumière parfois déconnants, une animation de Lara un peu raide dans les phases d’escalade, certaines textures peu convaincantes. Des détails certes mais l’oeil s’y attarde malgré tout quand on l’a habitué à mieux.

 

 

L’ambiance sonore est bien travaillée. Chaque bruit dans une caverne, un temple ou une forêt nous rappellent où nous sommes, et le péril dans lequel se trouve Lara. La musique est bonne, sans être mémorable. Elle plonge le joueur dans l’immersion de l’action. Au risque même de spoiler, il n’est pas rare de voir se déclencher une musique rythmée annonçant un danger imminent alors que tout est calme autour de vous, ce qui permet d’anticiper avant l’heure une attaque que vous n’auriez pas remarqué à l’écran. Concernant les dialogues, la version française est à bannir sans réfléchir. Certes les voix sont bien choisies, mais la synchronisation labiale est désastreuse, et ce dès la première parole de Lara (jugez par vous-même !).

 

A boire et à manger

 

L’édition PS4 fournit également les DLC sortis durant l’année d’exclusivité. Parmi eux, le DLC Baba Yaga: le Temple de la Sorcière s’insère parfaitement dans le jeu en tant que quête annexe. A tel point que je n’ai remarqué qu’après avoir terminé le jeu qu’il s’agissait ici d’un contenu additionnel. Il augmente ainsi la durée de vie du jeu. Celle-ci est d’environ une dizaine d’heures si l’on se limite à la trame principale. Le DLC « Réveil Glacial » est là pour suivre la tendance du mode Zombie dans les jeux vidéo. Lara Croft piégée dans son manoir rempli de créatures agressives, une ineptie sans intérêt, même sur le papier. Pas de mode multi pour ce Tomb Raider, mais un mode Endurance fait son apparition, véritable défi de survie à faire seul ou en coopération.

 

 

Enfin, le DLC « Les Liens du Sang », compatible VR, est la véritable bonne surprise. Dans le manoir des Croft, Lara doit retrouver le testament de son père afin d’éviter l’expropriation. Une ligne scénaristique extrêmement simple qui donne pourtant naissance à deux heures de jeu hors du temps. A la façon d’un Gone Home, vous voilà à la recherche du moindre objet, du moindre courrier ou enregistrement afin de retracer l’histoire de la rencontre, de la vie et du destin des parents de Lara. L’histoire se recompose sous vos yeux au fur et à mesure de votre progression. Un instant de poésie dans un jeu qui ne l’est pourtant pas, et malgré quelques errements et égarements liés au gameplay, ce DLC est une réussite.

 

Le mot de la fin

 

Rise of the Tomb Raider est un excellent jeu d’aventure. Il est une alternative honorable à la saga Uncharted, lui même inspiré de la licence Tomb Raider d’origine. La boucle est bouclée. Avec un scénario intéressant mais finalement trop peu étoffé et prévisible, des mécanismes de jeu qui n’arrivent pas à nous donner l’impression de nouveauté, Rise of the Tomb Raider emporte le joueur mais ne bouleverse pas. Il souffre de la comparaison avec Uncharted 4, car sorti un an trop tard suite à son exclusivité sur Xbox. On prend plaisir à y jouer, à se laisser surprendre par certaines scènes. Mais Rise of the Tomb Raider ne reste que la suite du reboot de Tomb Raider. Il le copie, le poursuit et le prolonge, sans réellement l’améliorer. Finalement, la surprise de cet opus réside dans ses DLC et leur capacité à innover, à nous montrer une autre facette de Tomb Raider et de Lara Croft. Entre survie et émotions, il y a matière à explorer pour le prochain jeu.