Fut une époque où les spectacles de marionnettes était le pinacle du diverissement, amassant petits et grands autour d’un théâtre miniature, avec ses personnages bariolés, intrigants, au franc-parler bien senti. Divertissement depuis dépassé par bien d’autres formes de récréation, il garde malgré tout cette image de moment magique et enfantin, toute une ambiance que Puppeteer entend retranscrire sur votre écran, DualShock 3, PS Move ou Sixaxis en main.
Alors oui, moi non plus je n’avais quasiment pas entendu parler de ce titre jusqu’à récemment. Ne sachant trop à quoi m’attendre, j’enfournais le Blu-Ray dans la console. On bourrine le bouton X, et après un assez court temps de chargement, une voix tonitruante m’interpelle : « Approchez, approchez, et venez assister au plus grand spectacle de marionnettes ayant jamais existé ». De grands rideaux rouges se dressent, éclairés par des projecteurs bien en évidence sur le plancher. Devant, le titre de la pièce qui s’apprête à être « jouée », dans tous les sens du terme : Puppeteer.
Toute une comédie
Et cette voix roulante et conquérante sera présente durant toute l’aventure. Sélectionner une sauvegarde, un niveau, en finir un, simplement progresser dans l’aventure… Le narrateur de la pièce est là pour appuyer les actions du héros.
Celui-ci se nomme Kutaro, était un petit garçon que l’on devine effronté sur notre bonne vieille Terre, et se retrouve dans le corps d’un pantin sur la Lune. Celle-ci, bien différente de celle naviguant au-dessus de notre tête, est sous le joug d’un tyrannique Roi-Ours qui, après avoir vaincu la Reine Lunaire et toutes ses troupes, fragmenta la Pierre de Lune, source de pouvoir, en petits morceaux qu’il confia à ses généraux. Je vous laisse deviner quel sera l’objectif.
Ce postulat de base classique, voire rincé, nous sera raconté par le narrateur, mais les personnages, tous de bois et d’articulations faits, lui donneront la réplique, l’interrompront, l’ignoreront. Une bonne couche d’impertinence qui vient appuyer un conte à l’ancienne, magique et cruel à la fois. Les enfants ayant subi le même sort que Kutaro passent parfois à la guillotine, le Roi-Ours ne fait que peu de cas de ses généraux tombés au combat… Le tout baigne malgré tout dans la bonne humeur générale, entre piques à la DreamWorks, destruction du quatrième mur et accents forcés. Saluons d’ailleurs l’excellente version française. Comme quoi, si, ça existe.
Il est d’ailleurs amusant de constater que le seul personnage muet de la scène est Kutaro lui-même. Et franchement, on se dit souvent que les autres feraient bien de suivre le mouvement parfois. A trop commenter nos parties, tout ce blabla devient saoulant. Cela pourra plaire à certains, mais personnellement, j’ai plusieurs fois râlé en enjoignant brutalement les personnages à rapprocher leur deux mâchoires jusqu’au contact et de s’en tenir là (en gros « mais vos gueules ! »). Sans compter que chaque niveau est entrecoupé de scénettes non-interactives et parfois très peu passionnantes. Au moins peut-on en profiter pour admirer tout ce chatoyant spectacle.
Tout un tableau
Parce que, oui, c’est juste somptueux. Japan Studio exploite l’ambiance « théâtre de marionnettes » à merveille. C’est coloré, les textures sont splendides, les jeux d’ombre et de lumière eux-même sont un régal. Puppeteer prouve qu’on peut faire de très jolis graphismes « next-gen » tout en se rappelant qu’il existe d’autres couleurs que l’ocre et le bleuâtre. L’animation n’est pas en reste. On dirait un film de chez Pixar, parfois en très nerveux lors des nombreuses scènes cinématiques. Les décors eux-mêmes sont sans arrêt en mouvement. Menaçant de s’écrouler sous les coups de pieds au sol rageurs du Roi-Ours, s’écroulant tout court pour créer une transition, se mettant en place avec une organisation millimétrée, ils participent grandement à cette impression de vie, malgré les visages forcément un peu rigides de ces pantins et ces peluches.
Les musiques sont également de la partie. Les compositions sont ravissement à l’oreille, et elles se permettent un répertoire assez large. Musique traditionnelle japonaise, hymne de féria, gigue et polka sont au programme pour souligner la variété des décors traversés.
Tout un programme
L’aventure de Kutaro se finit en une petite dizaine d’heure en diagonale (comptez-en une vingtaine si vous souhaitez tout trouver), et elle verra la montée en puissance et en possibilités de notre ligneux héros.
Au départ, il ne pourra que changer de tête (et sauter mollement, j’y reviendrai). Il y a 100 têtes à trouver en tout, dispersées dans les 7 actes du jeu, eux-mêmes décomposés en 3 scènes. Si l’on peut penser de prime abord que changer de trombine sera une mécanique importante, il s’avère que c’est parfaitement anecdotique. Au mieux faire mumuse avec les caboches permettra-t-il de débloquer des niveaux bonus, dévoiler des raccourcis ou simplifier les boss, pourtant pas bien compliqués. L’ensemble est d’ailleurs plutôt simple. Les têtes fonctionnent un peu comme le Bébé Mario de Yoshi’s Island. En se faisant toucher, Kutaro perd littéralement la tête, et devra la récupérer en quelques secondes sous peine de perdre définitivement une de ses trois têtes/vies. Et le jeu n’est pas avare en continus.
Perpétuellement accompagné de Yin-Yang, un chat mielleux et ailé, ou de Pikarina, mélange comme son nom l’indique entre Pikachu et Eskarina (non mais c’est quasiment ça, en plus), c’est par ces compagnons volants que l’on pourra fouiller les décors. Que ce soit à l’aide du second stick (obligeant ainsi à lâcher les boutons de façade), grâce au PS Move, ou en le contrôlant à l’aide d’une seconde manette, et d’un second joueur. Bon, jusqu’ici, Kutaro est quand même bien limité.
En mettant la main assez tôt dans le jeu sur Calibrus, paire de ciseaux surpuissante, le garnement pourra couper dans les rideaux, tissus et guenilles passant sous ses lames. Ce faisant, il pourra escalader toute étoffe, ou tracer le long des fils. Plus tard, il pourra s’entourer d’un fragile bouclier pour renvoyer les rayons ou se protéger. Encore plus tard, il obtiendra des bombes, dont l’utilité a déjà été démontrée dans nombre de Zelda. Encore ENCORE plus tard, il obtiendra un grappin pour tirer sur tout ce qui aurait la mauvaise idée d’arborer un crochet. Puis, coiffé d’un masque de luchadore taurin, il pourra tirer d’immenses morceaux du décor ou plonger tête la première sur ses cibles. Et Calibrus permettra de plus brusques accélérations par la suite…
Tout un problème
Cet éventail de possibilités fait qu’on peut s’emmêler les pédales, mais la relative facilité du jeu ne rend pas le tout pénalisant.
Pourtant, la maniabilité peut s’avérer crispante. Kutaro ne saute pas très haut, et surtout de façon assez imprécise. C’est certes mieux calibré que le récent Castle of Illusion (d’ailleurs ouais, les mecs de chez Disney, vous avez foutu quoi ?) ou Little Big Planet, mais suffisamment hasardeux pour être fatal, surtout si l’on tombe dans un trou coiffé d’une tête que l’on souhaitait garder pour plus tard, et que l’on perdra dans l’opération.
La découpe pourra s’avérer également un peu imprécise, mais la marge de manœuvre est en général généreuse.
Enfin, on pourra regretter un level design qui ne s’envole réellement que sur les deux derniers actes, la mise en scène tentant de masquer les passages mous au début du jeu.
Le titre fait donc preuve d’une bonne présentation mais d’un gameplay perfectible. Est-ce donc là un de ces jeux qui oublient d’être des jeux ? Que nenni, vous n’avez pas bien lu. Le jeu présente certes de petits accrocs, mais reste tout de même agréable de bout en bout. L’aventure est plaisante, l’ambiance splendide, et l’on se laisse volontiers happer dans ce jeu d’un genre qui se fait discret ces derniers temps.