Pendant des années (et d’ailleurs parfois encore aujourd’hui), on a entendu « Non mais les jeux vidéo d’aujourd’hui c’est trop facile ». Alors l’industrie (et les indés aussi en fait, même surtout) ont réagi. Nombre d’entre vous penseront automatiquement à Dark Souls ou encore Nioh. Pourtant je pense à un genre beaucoup mieux représenté quantitativement parlant, à savoir la plateforme. Depuis la sortie du très remarqué Super Meat Boy, beaucoup de jeux de ce style – plus ou moins réussis – ont vu le jour. Eh bien aujourd’hui, c’est à l’un de ses successeurs pour le moins étonnant que nous allons nous intéresser : Fenix Furia de Green Lava Studios.
J’ai commencé par évoquer Super Meat Boy pour vous situer le jeu mais en fait on a plus affaire à une variation de Sonic-sous-amphétamines-avec-un-twist-qui-nous-laisse-croire-que-ça-va-être-facile-alors-que-pas-du-tout-c’est-même-l’inverse. En effet, contrairement à la très vaste majorité des platformers auxquels vous avez pu jouer depuis la première apparition d’un plombier moustachu à l’accent que ne renierais pas Michel Leeb, le héros de Fenix Furia a l’étrange capacité de sauter et de faire des dash à l’infini. « Pfff trop facile ! » Bon alors gros malin, tu vas venir ici, je vais te mettre la manette dans les mains et tu vas me dire comment tu te sens au bout de 30 minutes, ok ? Normalement, tu devrais déjà commencer à reconnaître ton erreur et à implorer mon pardon avant que je ne te jette tête la première dans la litière de mon chat. Parce que Fenix Furia ne pardonne rien ! Le joueur va mourir. Encore et encore. Ce n’est pas pour rien si je l’ai comparé d’entrée à la référence du genre.
Si vous êtes un fin connaisseur des jeux vidéo indépendants sur Steam (déjà bravo et désolé, vous n’avez probablement aucune vie vu la quantité astronomique de titres présents sur la pateforme de Valve), vous vous dites peut-être que ça ressemble étrangement à Fenix Rage dont vous peinez à vous souvenir l’histoire. C’est normal. Que ça vous y fasse penser parce que Fenix Furia est un portage amélioré de Fenix Rage (le studio a du changer le nom pour des raisons judiciaires, vous pouvez avoir des renseignements à ce sujet ici) et que vous peiniez à retrouver le scénario parce qu’on s’en fout complètement. En gros, Fenix a été témoin d’un massacre dans son village de hérissons-transgéniques-à-moitié-carrés et il est furieux – d’où le titre. Donc il poursuit le méchant pour obtenir sa vengeance. Très original, non ? Mais on s’en fout puisque ce n’est pas un jeu centré sur son histoire, comme la plupart des platformers. Vous vous souvenez de l’histoire de Super Meat Boy ? Ou de Sonic ? Ou de Ristar ? Ben voilà, elles sont pourries et on s’en fout, on veut du gameplay.
To infinity and beyo– SPLASH !
Le gameplay, revenons-y. Après quelques tableaux ultra simplistes visant à familiariser le joueur avec les pouvoirs du personnage, les développeurs le jettent directement dans le bain d’acide (vraiment directement, la courbe de difficulté est bien plus raide que dans SMB) en l’entourant d’ennemis et obstacles mobiles ou non par dizaines dont il sera indispensable d’apprendre les patterns par cœur pour tous les éviter. Oui, tous. Au premier faux pas, c’est retour à la case départ (le début du niveau) en instantané et on recommence. Enfin non. L’un des ajouts de ce portage amélioré est le niveau de difficulté « facile » qui ne porte pas si bien que ça son nom : les 200 et quelques niveaux sont exactement les mêmes mais vous avez le droit de vous faire toucher une fois sans être éliminé. La 2e erreur vous renverra au début. Donc bon, facile il faut le dire vite. Les autres modes de jeu sont « Rage » – le mode normal –, « Challenge » qui limite le nombre de sauts et de dash auxquels vous avez droit et « God » qui vous oblige à éliminer tous les ennemis de la map dans le temps imparti. De base, le but de chaque niveau est d’accéder au portail bleu au dessus duquel flotte Oktarus – le méchant. En évitant tous les obstacles, donc. Et si le cœur vous en dit, vous pouvez même essayer d’attraper le cookie déposé dans chaque niveau avant d’aller au portail (vous pouvez même débloquer de véritables recettes de cookies, MIAM!). Evidemment, plus on avance, plus on découvre de nouveaux dangers et obstacles (des slimes, des lasers…) dont certains apportent un nouvel élément de gameplay. Par exemple, il faut frotter Fenix sur les murs rouges comme une allumette pour qu’il prenne feu et traverse ainsi les murs de glace (ses dash seront également légèrement plus rapides). Au contraire, si Fenix se congèle, ça lui permettra de traverser des lasers. Les portails de téléportation, eux, amènent un petit côté puzzle tout en ajoutant énormément de danger puisqu’il faudra timer votre déplacement en fonction de ce qui se passe de l’autre côté de celui-ci ou encore puisque des ennemis peuvent également les traverser. Bref, il y a pléthores de choses à gérer dans Fenix Furia avant même de faire attention aux ennemis.
Les sauts et dash illimités permettent une mobilité infinie et peuvent laisser penser qu’il sera finalement trop aisé de battre les niveaux puisque ça permet au personnage de virtuellement voler. Pourtant, vous comprendrez très vite que ce n’est pas du tout le cas et qu’il vous faudra même parfois utiliser la possibilité d’annuler vos sauts par un dash ou inversement (oui, comme pour les jeux de combat, il faudra maîtriser l’art du cancel) pour éviter que Fenix ne finisse comme l’un de ses presque congénères sur le côté des routes de campagne. Il faut bien reconnaître que cette mobilité permet aux développeurs de blinder l’écran d’obstacles jusqu’à la nausée. C’est d’ailleurs une des limites de Fenix Furia : la difficulté vient souvent de l’abondance de dangers plutôt que d’un level design particulièrement réfléchi. C’est un peu dommage, d’autant qu’on a parfois (rarement je vous rassure mais ça arrive quand même) l’impression d’avoir eu plus de chance que de skill pour passer une zone particulièrement chargée. Il faut tout de même noter qu’il n’y a plus aucune trace d’aléatoire dans Fenix Furia contrairement à Fenix Rage et que 25 % des niveaux ont été retravaillés pour donner quelque chose de plus fini et de plus « juste ». Globalement c’est réussi mais comme je le disais, la surcharge manifeste de certaines zones vient contrer ces efforts louables.
Raïz of ze Fenix
Au milieu de tout ça, il y a les niveaux de boss qui viennent clôturer chaque monde. Et là, il y a de quoi être dubitatif. Puisqu’on est dans le même jeu, ces niveaux utilisent évidemment les mécaniques avec lesquelles le joueur s’est familiarisé jusque là mais c’est tout ce qu’il y a en commun avec les niveaux classiques. Chacun de ces boss (du moins ceux que j’ai faits car je dois avouer que c’est la première fois que je livre un test sans avoir été au bout d’un jeu… Quand je vous dis qu’il est difficile ! Mais je n’abandonne pas, j’irai au bout) propose un gameplay totalement différent du reste du jeu. Ainsi, le premier est une course dans une sorte de labyrinthe alors que l’énorme boss essaie de vous rattraper. Si vous vous faites toucher, c’est la mort. Un autre vous oblige à gesticuler tout autour de lui pendant qu’il défonce un à un les murs qui vous entourent. D’un côté, il est louable de vouloir couper l’aventure en en renouvelant le gameplay pour surprendre le joueur. D’un autre côté, ça tranche tellement avec le reste qu’on a un instant de doute en se demandant si on est toujours dans le même jeu. Et puis ce ne sont pas les niveaux les plus inspirés car leur mécanique est toujours très classique et rappelle immanquablement d’autres œuvres. Ce ne sont pas des niveaux ratés à proprement parler mais je ne suis personnellement pas convaincu par leur intérêt.
Grand classique du genre, le respawn instantané permet évidemment d’amoindrir la frustration des erreurs du joueur tandis que le studio du Costa Rica a carrément pourvu ce dernier du pouvoir de rebooter instantanément (sans que cela ne compte comme une mort) le niveau en appuyant sur la touche triangle (ou Y sur Xbox). Un ajout (du jeu, pas du portage) qui sera forcément du goût des speedrunners. Et même pour nous autres joueurs ordinaires, la dynamique du jeu s’en trouve améliorée, la frustration amoindrie, l’envie de jouer réhaussée et les manettes les remercie parce qu’elles volent moins. Et heureusement parce que Green Lava veut clairement que vous passiez un temps fou sur leur jeu. En plus des différents modes dont nous avons déjà parlé et qui vous occuperont trèèèèès longtemps, il est également possible d’acheter des mini-jeux avec les étoiles gagnées en remplissant certaines conditions – dans chaque mode en dehors du facile, réaliser un temps en deçà d’une certaine limite vous donnera des étoiles d’une certaine couleur. Sans compter les délicieuses recettes de cookies qui, si elles ne vous apportent rien en jeu, feront entrer à coup sûr Fenix Furia dans le Vrai Monde de la Réalité Véritable (big up Karim).
Le portage de Fenix Rage a également donné l’occasion au studio d’ajouter une feature dont ils sont très fiers : le mode multijoueur. Il consiste en un écran splitté permettant à deux joueurs de rivaliser pour terminer le niveau le plus rapidement possible. Pour l’occasion, un nouveau personnage – Undead Fenix – fait son apparition pour représenter le deuxième joueur. Si je comprends l’attrait que peut avoir l’idée de départ, je dois malheureusement reconnaître que je n’en suis pas fan. Effectivement, c’est sympa de voir un autre joueur galérer juste à côté en même temps que nous mais l’écran splitté rend les niveaux déjà chargés encore moins lisibles et notre personnage déjà tout petit devient encore plus compliqué à suivre.
TL;DR
Fenix Furia est un jeu difficile et on l’aime pour ça. Il n’est définitivement pas destiné à tous les joueurs du monde mais si la perspective de mettre vos réflexes et votre sens de l’observation à l’épreuve vous enthousiasme tandis que celle de mourir en boucle ne vous effraie pas, le jeu fera votre bonheur pendant de nombreuses heures. On aurait toutefois préféré des niveaux moins nombreux au design plus malin ainsi que des niveaux de boss plus inspirés mais on ne boude pas notre plaisir pour autant.
On aime :
- la mécanique des sauts et dash infinis
- la difficulté…
- la direction artistique qui rend le tout clair malgré la masse d’éléments
On aime moins :
- les boss
- … parfois due au nombre plus qu’au design
Craquez vos PO si :
- Vous êtes en manque de défi sur des platformers
- Vous avez déjà fini 3 fois Super Meat Boy, « Bordel, c’est quand la suite ? »
Quittez la partie si :
- Vous préférez les simulateurs de promenade
Imperator Furia
Joueurs occasionnels, passez votre chemin. Par contre, si vous êtes à la recherche d'un défi digne de ce nom dans le rude univers des platformers, Fenix Furia devrait vous ravir. Attention tout de même à ne pas jeter votre manette par la fenêtre !