[Test] Batman: The Telltale Series, Premier Episode

Gotham City, par une nuit de pleine lune. Le gardien chargé de la sécurité à l’entrée de la mairie a pris une balle entre les deux yeux. Quelque chose se trame… Au dernier étage, un groupe d’hommes lourdement armé inspecte les lieux. Ils sont à la recherche d’un coffre et sont visiblement bien renseignés. Du haut d’une corniche, une ombre les guette. Un bruit près de la fenêtre attire l’un des hommes, mais tout est calme dehors. Tournant le dos à la ville, il ne voit pas arriver vers lui l’ombre, ses ailes déployées, fondant sur sa proie. La fenêtre explose en éclats, un coup de tonnerre dans le silence de la tour, et l’homme est propulsé à travers la pièce. Les mercenaires se retournent, la peur dans les yeux. Il est là…

Telltale est devenu l’éditeur référence en matière de récit interactif. Après s’être accaparé les univers de The Walking Dead, Game of Thrones ou encore Minecraft, le groupe américain s’attaque à la chauve-souris la plus célèbre de la bande-dessinée. Et ce n’est pas une mince affaire : Batman est une licence exploitée sous de nombreuses formes, et les amateurs sont nombreux et exigeants. En matière de jeu vidéo, la dernière apparition de Batman avait déjà marqué les esprits dans l’excellent Arkham Knight et son scénario original. Autant dire que la barre est haute, mais Telltale fait honneur à son nom et sait nous raconter des histoires.

Bat-Bruce

Telltale nous propose une nouvelle histoire dans l’univers de Batman. Sous la forme d’une série, comme d’habitude, Batman nous propose une aventure du Chevalier Noir en cinq épisodes. Mais là où la plupart des jeux sur le sujet nous propose d’incarner l’homme chauve-souris dans sa quête de justice, Telltale nous fait découvrir l’envers du décor : Bruce Wayne. Cette histoire vous offre la possibilité de suivre le riche héritier lancé dans le soutien financier et politique de la campagne d’Harvey Dent, célèbre procureur lancé dans la course pour la Mairie de Gotham. Dans ce contexte, Bruce va subir de nombreuses pressions que vous devrez gérer, jonglant avec les différents évènements et personnages qui hantent le passé de la famille Wayne. Je ne compte pas ici dévoiler l’intrigue du jeu que je vous laisse découvrir, mais vous prendrez plaisir à retrouver certains personnages et lieux emblématiques de la légende du Chevalier Noir.

 

 

En parallèle de la vie de Bruce Wayne, son alter-égo Batman ne chôme pas et enquête sur un cambriolage rondement mené par la mystérieuse Catwoman. Les méthodes sont alors bien différentes. Exit les dialogues et interactions sociales de Bruce, ici les poings et les gadgets sont les outils permettant au Chevalier Noir de mener à bien ses opérations. Le contraste entre les scènes de Bruce et celles de Batman est parfaitement marqué. Lumière, humour, luxe et sentiments de Bruce s’opposent à l’obscurité, la souffrance, la rapidité et la méthodologie de Batman. Le Gotham dans lequel évolue l’homme chauve-souris est sombre, corrompu et violent, et Telltale nous le fait bien sentir.

Comme toujours au cœur des jeux de Telltale réside la place du choix. Les dialogues, les actions et les décisions sont soumises au choix du joueur. Et chez Telltale, les choix ont des conséquences (dans une certaine mesure du moins) et votre attitude envers un personnage, en tant que Bruce Wayne ou en tant que Batman, sera jugée et utilisée par les autres personnages au cours de votre aventure. L’impact réel de ces choix reste cependant à mesurer sur l’évolution de l’histoire au cours des cinq épisodes de la série, ce qui est toujours le même problème concernant les jeux de Telltale. On a souvent l’impression de faire des choix, prendre des décisions, dont l’issue est finalement souvent la même. Le résultat est loin du système de décisions aux nombreuses ramifications de l’horrifique Until Dawn. Chez Telltale, l’histoire a tendance à suivre son cours, inexorablement, sans laisser au joueur la possibilité de choisir une orientation radicalement différente. Une méthode qui peut être frustrante pour le joueur, mais qui a trouvé son public au fil des jeux du studio.

 

 

HAUT-BAS-GAUCHE-DROITE-SHIFT+E

Le gameplay de ce Batman est on ne peut plus simple et se résume à des choix de dialogues ou des QTE (Quick Time Events, où les fameuses touches à presser au moment où elles s’affichent à l’écran) à réaliser pour lancer les différentes actions à base de coup de pied retourné. Presser les touches du clavier (ou de la manette) au bon moment dans les combats permet également de remplir une jauge en forme de bat-symbole ; une fois la jauge remplie, vous pouvez activer « le coup final » qui permet de terminer la scène de combat. Bien que ce système de QTE soit légion désormais dans les « jeux à histoires », ici les échecs sont très permissifs. Louper une action ne sera pas synonyme de mort, le jeu tolérant largement les réactions lentes et/ou ratées du joueur. Autrement dit, comme souvent chez Telltale, vous ne resterez pas bloqué dans le jeu.

 

 

Entre les scènes d’actions du Chevalier Noir, Bat-Bruce discute et explore les lieux de son aventure. La Batcave fait partie de ces lieux, où le joueur pourra se promener (dans la limite des lieux disponibles, le joueur trop téméraire se verra bloqué sur un mur invisible là où il n’est pas le bienvenue) et activer certains objets du décor à la manière d’un point-and-click : interagir avec les ordinateurs pour obtenir une information, agir sur un objet pour entendre un commentaire de Bat-Bruce à son sujet, telles sont les actions habituelles du jeu. Rien de surprenant pour les habitués du genre, le gameplay est donc assez redondant de ce côté, mais Telltale a su pallier à ce défaut en introduisant de nouvelles mécaniques.

En effet, l’univers high-tech de Batman permet d’adopter de nouvelles techniques de jeu adapté pour le Chevalier Noir. Vous pourrez ainsi enquêter sur une scène de crime en utilisant vos gadgets, et remplir votre rôle de détective en faisant le lien entre les différents indices récoltés pour reconstituer l’événement (ce qui n’est pas sans rappeler les scènes de crime de la série des Batman Arkham). Attention cependant, on est loin de l’énigme insoluble, les indices sont peu nombreux et faciles à relier.

De la même façon, une autre scène vous permettra d’utiliser vos gadgets pour planifier une attaque sur un groupe d’ennemis en choisissant comment vous débarrassez des gardes en utilisant votre environnement. Ici le choix est surtout esthétique, offrir au joueur la possibilité de fracasser des têtes de la façon qui lui semble la plus amusante.

 

 

 

Du comics en mouvement

Graphiquement, Batman est beau. Le jeu est réalisé en cel-shading, ce qui donne ce rendu graphique qui nous rappelle fortement l’esprit comics book de l’éditeur DC. On est donc ici entièrement plongé dans une page de comics en mouvement, un véritable film d’animation se déroule devant nous pour le régal de nos yeux. Pour les fans de Batman, ce style est très respectueux du support original.

Cependant, le jeu souffre sur PC de quelques ralentissements. Dans certaines scènes assez lourdes en détails, le framerate baisse et l’on se retrouve parfois avec quelques textures scintillantes. De quoi rompre un peu ce sentiment d’immersion, mais on oublie vite ces défauts face à la qualité global du graphisme. Le seul défaut véritable du jeu reste finalement sa durée de vie. Pour venir à bout de ce premier épisode, il ne m’aura fallu que 1h30 environ. La durée d’un film, certes, mais il est vrai que l’on reste sur sa faim. Le découpage épisodique est désormais accepté, mais la durée d’un épisode reste la partie sensible du concept.

 

 

Les musiques sont typiquement adaptées pour le titre, rien que d’entendre le thème principal nous fait déjà nous sentir dans la peau de l’homme chauve-souris (je vous le met ici pour le plaisir des oreilles : https://www.youtube.com/watch?v=ASE7iXeMJKk ). Les voix des personnages sont crédibles, tout le jeu étant en version originale sous-titrée, ce qui est devenu la norme désormais.

Pour terminer, Telltale introduit également un outil intéressant dans cet opus : le Crowd Play. Cette nouvelle fonctionnalité permet ainsi au joueur de sortir de son expérience solitaire : toutes les personnes regardant le même écran peuvent voter pour chaque décision à prendre à partir d’un téléphone portable ou de n’importe quel appareil possédant un navigateur internet. Ainsi, vous pouvez jouer à Batman en famille, entre amis, ou avec votre communauté de fidèles si vous êtes youtubeur tout en permettant à chacun de contribuer à la suite de l’aventure. De quoi faire entrer le jeu Telltale dans une nouvelle dimension, celle du film interactif. Le cinéma et le jeu vidéo entament ici un début de fusion très intéressant pour l’avenir, où les spectateurs d’un média pourront ensemble décider de la tournure des évènements…

 

Le mot de la fin

Ce Batman est une réussite. Bien qu’avec un goût de trop peu, il est beau, il est prenant, il est vivant grace au Crowd Play et il est surtout une belle madeleine de Proust. Le joueur/spectateur est Batman, mais il est surtout Bruce Wayne et tout ce que cela implique sur la psychologie du héros. Certes ce jeu est plus à regarder qu’à véritablement jouer, mais on se prend au jeu et l’on reste avide d’en savoir plus sur la direction que prend cette nouvelle aventure. La rencontre de personnages phares comme Catwoman, le commissaire Gordon ou Harvey Dent sont autant de plaisirs renouvelés à chaque nouvelle rencontre. Le tout est de plus saupoudré de références amusantes à la licence (« All it takes is a little push… ») qui feront sourire les connaisseurs. Finalement, ce jeu n’est pas un nouveau jeu sur Batman, c’est une nouvelle aventure de Bruce Wayne et son sombre alter-égo, dans un nouveau format : ni comics, ni film, ni animé, il est à la frontière de tout cela à la fois. Et il est à partager.