Blowndie, notre lecteur/rédacteur/gamer/philosophe revient aujourd’hui avec un nouvel article qu’il a intitulé « Le jeu vidéo comme moyen d’illustrer l’utopie. » Si vous avez aimé sa première intervention le mois passé, lisez tout de suite ce qui suit ! Pour ma part je ne suis pas d’accord avec toute son argumentation, mais il a le mérite de soulever des questions intéressantes ! À toi, Blowndie !
Bonjour ou bonsoir à tous, je reviens pour un deuxième article sur le Blog de Kiss My Geek et aujourd’hui j’ai choisi de parler de l’utopie, en commençant par son histoire et de surcroît, ses répercutions sur le jeu vidéo. Il sera ici question de partir de l’utopie, et de son passé, pour arriver au jeu vidéo. On va donc, dans un premier temps, parler d’histoire de la philosophie, et donc de l’utopie. Avant de remonter très loin en arrière dans nos âges, j’aimerais énoncer une brève définition de l’utopie. Le terme né avec Thomas More et son livre intitulé Utopia, et signifie ce qui est imaginaire et sans défaut. L’histoire ajoutera des composantes à cette première définition, comme par exemple une dimension de perfection, de richesse ou encore une dimension naturelle.
C’est ce que l’on pourra retrouver dans la littérature chez Platon avec la fameuse île de l’Atlantide. Une île circulaire, donc pour Platon parfaite, où les habitants ne manquent de rien et où le système politique est absolument sans faille. Cette île a existé mais il y a fort longtemps. Bien plus loin, ce très cher Voltaire écrira l’épopée incroyable de Candide avec l’Eldorado. Encore un endroit où l’on arrive par pur hasard et où rien ne manque, tout est en abondance. Donc jusqu’au XVIIIe siècle, l’utopie représente un endroit que nous ne pouvons situer géographiquement ou, dans le cas de Platon, un endroit qui existait il y a fort longtemps malheureusement enfoui (comme par hasard). Cette idée, nous ne la retrouvons pas énormément dans les scénarios de jeux mais, aujourd’hui, dans la psychè (psychologie) des joueurs.
Illustration représentant l’Atlantide
Voilà le véritable effet du « buzz » rétro-gaming. Cet engouement envers les vieux jeux part d’un sentiment de nostalgie, certes, mais en vient à confirmer la thèse de l’utopie. « Le passé était meilleur » voilà le résultat de l’idée utopique : que les vieux jeux sont des jeux « parfaits » (ou du moins plus parfaits que les jeux actuels).
Comme je viens de l’énoncer, cette vision de l’utopie domine avant le XVIIIe siècle. Que se passe t-il après ? Avec Descartes et les Lumières, on change radicalement de mode de pensée. Notre héritage contemporain démarre ici. Il n’est plus question de croire que le passé est meilleur que l’avenir. A partir de ce moment là, l’avenir est considéré comme prospère. L’utopie est de croire en l’avenir. Cela amènera donc les politiques socialistes avec, par exemple, le Familistère de Godin qui aura pour but, au XIXe siècle, de construire des barres d’immeubles près des usines et ainsi faciliter la vie des ouvriers et de leurs familles. La densité de population et les divergences d’opinions signeront le fiasco de ce projet maintenant considéré comme utopique.
Cette idée est, quant à elle, bien représentée dans le jeu vidéo. Sans l’espoir d’un avenir meilleur, Tidus aurait-il suivi bêtement Yuna dans Final Fantasy X ? Sora aurait-il visité tous ces mondes Disney ? Les scénario embarque clairement cette idée-là. L’avenir ne peut être que meilleur. Une fois la menace présente écartée, seule une vie radieuse peut suivre. Même lorsque tout espoir semble avoir été perdu, le jeu vidéo arrive à émettre un rayonnement d’espérance au joueur. Pourquoi ? Est-ce le reflet de notre civilisation ou est-ce encore une sentiment d’utopie donné volontairement par le scénariste ?
Cette idée d’utopie arrive même jusque dans le comportement du joueur. Lorsque vous lancez une partie de Sonic, quel intérêt a le joueur d’avancer dans ce jeu si il n’a pas le pressentiment d’une fin généreuse et heureuse. Un sentiment d’accomplissement enveloppe ce joueur et confirme « virtuellement » ce que vise l’utopie. Mais cette idée d’utopie va encore plus loin depuis le XXIe siècle. L’idée d’un avenir radieux induit inévitablement l’idée d’une société mécanique / robotique, d’une biologie extrêmement avancée, ou encore d’une société en total accord avec la nature. Avec Isaac Asimov, on entre cette utopie dans le débat public et dans les mœurs.
On peux donc voir, dans Deus EX Human Revolution, un personnage principal « augmenté » biologiquement ou un Final Fantasy XIII qui allie l’utopie d’une société mécanique à l’espoir d’un avenir radieux et magnifique. Cela dit, dans Deus Ex, on peut facilement entrevoir un « c’était mieux avant » de la part du peuple virtuel du jeu. Ils ne sont pas cons ces petits bonhommes. Mais ici aussi, ça semble être l’air du temps qui prend le pas sur l’imagination du joueur. Les sociétés occidentales ont cru, durant ces 30 dernières années, que le progrès ne pouvait qu’apporter un avenir meilleur et cela se reflète dans les jeux auxquels nous jouons. Les mœurs changent et de plus en plus notre civilisation croit en Platon et prône un « retour en arrière » et c’est-ce que montrent les jeux à l’univers « futuristes » actuels. Ces derniers dénoncent des possibles transgressions que nous devons à tout prix éviter dans l’avenir de l’humanité. Alors invention ou prédiction ?
L’homme augmenté tuant un opposant, Deus Ex, Human Revolution
Pour résumer, nous avons vu que la première partie de l’histoire de l’utopie n’était pas tellement représentée dans les scénarios de jeux vidéo. On peut pourtant rapprocher le « c’était mieux avant » au comportement de nos sociétés occidentales actuelles et donc des joueurs. De plus, le jeu vidéo représente dans sa quasi-totalité, la vision de l’utopie moderne. Le futur ne peut être que bon, nous devons donc nous efforcer de progresser et de combattre le mal. Ce message se répercute à la fois sur l’histoire du jeu mais aussi sur le comportement du joueur qui sans ça, pourrait reposer manettes, souris et claviers. Cela dit, nous l’avons démontré, le jeu vidéo est à la fois le garant et le médiateur de la pensée actuelle. Si certains vieux comics prennent comme ennemis systématiques les Allemands, le jeu vidéo a durant toutes ces dernières années soutenu les thèses progressistes, de solidarité et d’égalité, en gros l’utopie contemporaine. Le jeu vidéo comme révélation d’une époque ou comme outil de propagande ? Ce qui est sûr c’est que tout cela reste virtuel, surtout l’aboutissement de l’utopie, alors « cultivons notre jardin ».
PS, I Hate You : Cette fois, cette rubrique va me permettre de me lâcher sur ce fameux Final Fantasy XIII et plus particulièrement sur le personnage de Vanille. J’ai personnellement adoré ce jeu mais il faut dire que Vanille représente autant la clé du jeu que la niaise de service. Et ce coté niais m’apparaît comme la révélation de notre époque. Oui, je suis malheureux désormais. :’D
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1 Comment
Koroeskohr
23 Août 2013 1:49Ces analogies sont vraiment intéressantes, je ne mentirai pas en disant que j’en veux encore 😀