Crash Test Tests & Critiques 2

[Crash Test] Héros

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« Hé Gizmo, tu te rappelles quand Michaël Youn a voulu faire un film sérieux ? On le voyait dans la campagne de comm, grimé en clown. C’était d’un ridicule… » Eh bien en fait non, je ne m’en souviens pas parce que je ne l’avais jamais vu (le film, la campagne si : je ne vivais pas dans une grotte). Mais Michaël Youn – qui a quand même commis des immondices tels qu’Iznogoud ou encore Incontrôlable à l’époque puis a enchaîné avec d’autres trucs sans intérêt comme Vive La France – tentant de faire son Tchao Pantin dans un premier film, le tout avec des notes de merde dans toute la presse, ça fait un bon sujet pour un Crash Test. Du coup, aujourd’hui, retour en 2007, on parle de Héros, un film de Bruno Merle.

 

De quoi c’est-y donc qu’on cause ?

 

Il est assez difficile de savoir où s’arrêter dans l’explication du scénario pour éviter de spoiler mais je vais tenter le coup. Héros suit Pierre Foret (Michaël Youn), un chauffeur de salle pour des émissions de télévision au bout du rouleau. Il est bon dans son boulot mais ça ne lui suffit plus. Pierre en a marre de faire rire, il voudrait qu’on le prenne au sérieux. Et quoi de mieux pour être pris au sérieux que d’enlever un chanteur ultra connu ? Ce Johnny Hallyday alternatif se nomme Clovis Costa (Pierre Chesnay) et Pierre l’idolâtre depuis l’enfance. Le long métrage d’1h56 est donc un huis clos, le récit de l’enlèvement de la star ou plutôt de ce qui se passe après, une fois qu’il est séquestré et que Pierre doit faire passer son message au monde. Ce sera l’occasion de découvrir l’origine du pétage de plombs de Pierre, ses démons, ses frustrations, son rapport au monde, et cætera… Ce sera également l’occasion pour Bruno Merle, le réalisateur, de délivrer son exercice de style car c’est bien ce qu’est Héros. « Mais 1h56 de huis clos c’est long, non ? Tu vas te faire chier Gizmo. » Il faut avouer que, sur le papier, Héros part avec de sacrés désavantages.

 

« Putain mais comprends-moi, bordel ! » semble dire Pierre à son idole. Bizarrement, on a aussi l’impression d’entendre son interprète Michaël Youn

 

Izirilinogoud ?

 

Chut, chut, pas la peine de le dire, je sais ce que vous attendez : que je démonte le jeu de Michaël Youn, que je vous dise qu’il gâche tout le film, qu’on a envie de rigoler en voyant à quel point il est ridicule. Sauf que je ne peux pas vous dire ça parce que l’acteur est tout simplement génial dans ce rôle. Il révèle qu’il sait non seulement jouer mais qu’il a compris comment insuffler la vie à son personnage. Il lui apporte son explosivité, son énergie et surtout ses propres démons et sa frustration. L’ancien animateur du Morning Live, plus connu pour ses fesses que pour sa sensibilité, alterne avec un naturel incroyablement déconcertant les apparences chaleureuses, humaines, pleines de vie et les accès de froideur, de folie, de violence. Il jongle avec les scènes malsaines imaginées par le scénariste et les moments de douceur à tel point qu’on ne sait plus bien si on plaint le personnage, si on le comprend ou même si on l’apprécie. On se retrouve face à un personnage crédible, touchant et très éloigné d’à peu près tout ce à quoi on aurait pu s’attendre en appuyant sur le bouton Play. Pierre Foret est un personnage borderline qui étonne tout en paraissant terriblement évident lorsqu’on repense à certains passages télé de son interprète. C’est simple : lorsque le film s’est terminé, je me suis dit que je regrettais tout le mal que j’avais pu dire sur Michaël Youn. Mais ça, c’était avant de me souvenir d’Iznogoud, de Vive La France ou encore de ses passages au Marrakech du Rire. Une fois cette réalité revenue dans mon esprit, c’est plutôt la tristesse qui s’est faite sentir, l’envie de pleurer face à un talent gâché et cette question lancinante : est-ce le désastreux accueil réservé à Héros qui a poussé l’acteur à retourner vers ses velléités comiques à la limite du supportable, de façon plus ou moins cynique ? Le succès dudit film lui aurait-il permis de nous offrir plus de moments de grâce ? Je crains que la réponse soit oui dans les deux cas et j’en suis triste. Vraiment. D’autant qu’ironiquement, tout cela valide a posteriori le propos de l’œuvre qui nous intéresse aujourd’hui.

 

Le choix du cadrage n’est pas anodin (et pas compliqué à comprendre)

 

Mais assez parlé de l’acteur principal. Que vaut Héros en dehors de cette prestation ? Sur le fond – vous l’avez compris –, le film m’a conquis. Les personnages sont bien écrits, la relation entre Costa et son ravisseur est intéressante et soulève de nombreuses questions, notamment sur des aspects psychologiques, les moments touchants fonctionnent, les révélations sont cohérentes et apportent un éclairage nouveau sur les personnages (quoique principalement sur Pierre, forcément). Sur la forme, je suis plus indécis. Personnellement, celle-ci m’a beaucoup plu. Le découpage pas tout à fait linéaire du film permet de provoquer des interrogations chez le spectateur avant même que le sujet du segment ne soit réellement abordé, bien plus tard dans le film. Les séquences a priori sans rapport avec le reste (comme l’apparition inopinée des poissons qui ne sera expliquée qu’à la fin de l’œuvre) et celles qui semblent montées au mauvais endroit ajoutent à l’impression de folie subie, creusent la personnalité fragmentée du criminel. D’un autre côté, le nombre important d’éléments what-the-fuck-esques laisse aussi une impression d’effets de réalisation masturbatoires qui finissent peut-être par nuire un peu à la compréhension du tout venant. La scène avec Jackie Berroyer par exemple fait plus penser à une tentative maladroite de rendre hommage aux mêmes références présentes dans le cinéma de Quentin Dupieux par exemple qu’à une illustration métaphorique utile au film. De même, lorsque Héros brise le quatrième mur en reconnaissant la réalité du personnage du réalisateur, on ne saisit pas bien l’intention en dehors d’appuyer sur la folie de Pierre, déjà très bien représentée par le jeu à fleur de peau de Michaël Youn et par nombre de petits détails de mise en scène. Le principal problème de ce genre d’idées est en fait qu’elles ne semblent pas s’inscrire dans une démarche plus globale, sauf à penser cyniquement que Bruno Merle a voulu se faire mousser. Mais ce n’est pas mon cas. Je pense sincèrement que le réalisateur a voulu faire un film authentique mais que, comme beaucoup, il en a trop mis dans son premier essai, accouchant ainsi d’un objet étrange perdu quelque part entre le film d’auteur et l’exercice de style.

 

Du coup, on le regarde ?

 

Oui, regardez-le ! Je ne dis pas ça parce que c’est le premier Crash Test que j’ai vraiment aimé. Bon ok un peu. Mais même en dehors de ça, le propos de Héros est intéressant, bien que pas vraiment novateur. Ce sera l’occasion pour certains d’entre vous de vous interroger pour la première fois sur votre rapport au rire, sur les artistes catégorisés. Pour tous, Héros permettra également de remettre sa propre trajectoire en perspective et de se demander une fois de plus ce qui nous sépare de la folie. Je pense que, même si vous n’accrochez pas aux choix de réalisation, il ne peut qu’être bénéfique de vous rendre compte des capacités de comédien de Michaël Youn – pour apprécier à sa juste valeur le gâchis que sont ses films les plus connus (à part peut-être Fatal qui est légèrement au-dessus du lot, et encore…) –, que la scène de Cyrano avec Elodie Bouchez notamment vous touchera forcément. Plus important encore, regardez Héros parce qu’il est la preuve que les critiques français n’ont pas toujours raison (oui, j’aime les euphémismes), que les moutons de Panurge sont légion dans ce milieu, que rien ne vaut la possibilité de se forger sa propre opinion et que même une œuvre qui s’est fait pisser dessus à ce point là peut avoir des choses à offrir. Je ne vous ai pas révélé grand chose du film parce que je pense qu’il est mieux de le découvrir tel quel mais croyez-moi, il y a pas mal de surprises à y découvrir.

 

Héros est le premier film du Crash Test à recevoir le « Gizmo Seal of Approval »

 

Je vous rappelle que vous pouvez laisser en commentaire des idées de films nazes ou pour lesquels vous n’êtes pas certain de vouloir perdre votre temps. Vous pouvez également me les envoyer directement par mail ou sur mon compte Twitter, les deux étant présents à la fin de ma présentation.

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2 Comments

  • Reply
    Aurore
    25 Août 2015 8:29

    Bah merde, je dois vivre dans une grotte parce que j’avais jamais entendu parler de ce film… Ton crash test donne presque envie de le voir alors que je ne peux pas encadrer Mickael Youn.

    Sinon je serai curieuse d’avoir ton avis sur Gingerdead man de Charles Band, un film sur un bonhomme de pain d’épices possédé par l’esprit d’un tueur psychopathe. Un Chucky version p’tit biscuit.

    • Reply
      Gizmo
      25 Août 2015 9:00

      Ahahah ! Ça peut être rigolo, je note pour un prochain Crash Test. Merci ! 😉

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