En ce début Novembre 2020, alors que les tombes ont été honorées pour la Toussaint et qu’une épidémie fait rage partout dans le monde, il est difficile de ne pas penser aux zombies. Et puisqu’on est confinés, quoi de mieux que de les imaginer en action via le truchement d’un jeu de société bien senti ? Ca tombe bien : un nouvel opus de Zombicide est sur le point de sortir – grâce aux efforts conjoints de Cool Mini Or Not (CMON) et de Funforge pour la VF – et il apporte un grand vent d’air putréfié sur la licence. On se penche aujourd’hui sur un mashup évident mais pourtant tardif : Zombicide x le père de tous les films de morts-vivants, j’ai nommé Night of the Living Dead de George A. Romero.

Night of the Living Dead, c’est le chef-d’œuvre du regretté George A. Romero, la matrice de tous les films de zombies remontant déjà à plus de 50 ans (le film est sorti en 1968). C’est aussi le thème choisi pour la dernière itération de la licence Zombicide en date. Financée via Kickstarter fin 2019, cette version a déjà été plébiscitée par 6318 contributeurs qui ont fait monter le pactole à 430 154$ et qui reçoivent ces dernières semaines leurs boîtes de jeu. Elle a également une double particularité pour la VF : d’abord ce n’est plus Edge qui s’en occupe mais Funforge ; et surtout la VF était disponible dès la campagne de crowdfunding. Ce qui veut également dire que le jeu sera très bientôt disponible à la vente dans vos crémeries préférées (sortie prévue avant la fin d’année, dès que tous les backers auront été livrés) ! On en profite pour vous rappeler que beaucoup de boutiques de jeux de société (comme de libraires ou de vendeurs en tous genres) ont des services de vente en ligne qui vous permettent de les soutenir en cette période plus que compliquée plutôt que de vous ruer chez Amazon. Bien entendu, vous faites comme vous le sentez mais nous, on a choisi.

Ô Romero ! Romero ! Pourquoi es-tu Romero ?

Bref, revenons à nos moutons en décomposition. Si vous ne connaissez pas Zombicide, il s’agit d’une licence de jeux de société coopératifs de type améritrash. Ils se basent sur des scénarios qui sont en fait des missions. Les joueurs doivent donc collaborer pour remplir les objectifs et défourailler du zombie à la chaîne, se frayant ainsi un chemin au milieu d’un chaos régi par des règles d’invasion (les « apparitions » des zombies sur le plateau) et des jets de dés, déterminant si oui ou non Jean-Jacques a fait exploser la tête du zombie avec son fusil à canon scié. Bien entendu, les zombies ont des capacités différentes en fonction de leur type et il faut les prendre en compte pour planifier au mieux les actions du groupe et en sortir la tête haute. Sans oublier que plus les joueurs tuent de zombies, plus ils amélioreront leurs capacités. Mais en contrepartie, les morts-vivants débarqueront en plus grand nombre. C’est un peu Left 4 Dead en version plateau si vous voulez.

Après avoir fait de nombreux clins d’œil à la pop culture zombiesque dans ses saisons classiques puis exploré aussi bien l’espace que des contrées médiéval-fantastiques dans ses éditions spéciales, c’est donc dans l’univers tout particulier de Romero que cette nouvelle version de Zombicide pose ses valises. Night of the Living Dead suit (du moins au départ) le déroulé des scènes du film éponyme mais en vous proposant d’imaginer ce qu’il se serait passé si les personnages avaient réagi différemment. Et si Harry avait décidé d’aider plutôt que de mettre des bâtons dans les roues de Ben ? Et si Barbara n’était pas restée tétanisée, se permettant pourquoi pas de servir à quelque chose ? Vous allez pouvoir vivre cette aventure alternative dans le jeu et même plus, puisque les scénarios vous permettront de sortir de la maison.

Survival from the dead

Sauf que si vous connaissez un tant soit peu le film, vous savez bien qu’on est loin des machines à tuer à la Danny Trejo ou des délires gores à tas de membres en putréfaction séparés à la tronçonneuse façon Evil Dead. Pour l’occasion, il fallait donc quelque peu adapter les règles. C’est pourquoi les personnages se voient à présent affublés de deux « modes », deux versions que vous allez jouer dans le même scénario. Si la version Zombicide classique et ses nombreuses améliorations sont toujours de la partie, chaque fiche de personnage a une version dite « Romero » beaucoup plus faible, le ramenant à un niveau plus humain, plus vulnérable. Pour passer en mode Zombicide, les personnages devront faire preuve de collaboration (en s’échangeant de l’équipement notamment). Mais attention car de nombreux événements peuvent vous faire basculer à nouveau en mode Romero !

C’est le cas par exemple de l’apparition de zombies d’un nouveau type : les proches. Moulés très logiquement sur l’apparence de Karen (la petite fille dans la cave) et Johnny (le frère de Barbara qui se fait défoncer au début du film), ils feront perdre leurs moyens à nos survivants, les rendant beaucoup plus vulnérables. Il faudra alors éliminer ces êtres chers pour pouvoir récupérer l’usage des caractéristiques améliorées du mode Zombicide. Et cette logique d’affaiblissement est générale dans Night of the Living Dead. On n’est plus vraiment dans un jeu de massacre mais plutôt dans un jeu de survie. Ainsi, dès que l’un des personnages meurt, la partie est finie et tous les joueurs ont perdu (sachant que les 6 personnages doivent être joués. En même temps, on voit mal comment on pourrait en venir à bout avec deux personnages faibles).

« There’s a million weak spots up here »

Les barricades deviennent donc très importantes pour canaliser les assaillants et survivre, tout simplement. Mais évidemment, comme dans le Night of the Living Dead de Romero, certains zombies sont assez malins pour utiliser des outils. Et voici le deuxième nouveau type de zombie : les casseurs. Ceux-là réduiront à néant vos efforts en saccageant vos barricades et en cassant les portes. On y reconnait d’ailleurs les traits de l’acteur incarnant le premier zombie à ramasser une brique dans le film. Un détail, certes, mais c’est aussi ça qui montre l’amour des équipes pour le film et qui, au final, ravira les fans comme moi. Des détails comme ça, il y en a pléthore, comme les têtes d’animaux empaillées qui servent de proto-jump scares au film que l’on retrouve dans le jeu. Ce jeu suinte l’amour pour le film et ça renforce l’immersion, l’ambiance recréée par le jeu. On aime ça !

Comme à son habitude, CMON nous propose du matériel soigné, que l’on prendra plaisir à manipuler (voire à peindre pour les plus acharnés). Chaque personnage a également sa propre tablette avec des emplacements pour ses cartes d’équipement et son sac à dos, ainsi que différents marqueurs pour sa vie, ses capacités, ses actions ou même des modes de jeu avancés. Le seul petit bémol que j’ai eu dans ma boîte, ce sont deux cercles de couleur (utilisés pour repérer les personnages) qui ne tiennent pas parfaitement et qu’il faut parfois remettre. Puisque ce n’est pas commun à tous les matériels de ce type (il y en a 12), on peut penser que c’est un cas particulier de la boîte que j’ai reçue et que tout le monde n’aura pas ce très léger défaut.

TL;DR

Basé sur un film culte que tout le monde connaît (ou devrait connaitre), Night of the Living Dead est à la fois une porte d’entrée parfaite dans le monde de Zombicide – voire de l’améritrash – pour les non-initiés (surtout s’ils sont cinéphiles) et un renouvellement appréciable de la licence pour les joueurs confirmés. Délaissant quelque peu la surenchère d’explosion de compteur de victimes (pourtant déjà mortes) pour se recentrer sur une expérience plus proche de la survie, ce nouveau venu déploie des mécaniques aussi bien incorporées dans le thème qu’elles sont efficaces pour simuler la peur et la vulnérabilité d’humains somme toute « normaux » (entendez « non super-héroïques ») dans une situation tout autant improbable que dangereuse. A mettre entre toutes les mains. Du moins, celles encore attachées à un corps…