Nous avons le plaisir de recevoir Karl du studio indé français NoClip dont NoTy avait pu tester le jeu Zombie Night Terror. Au croisement entre les Lemmings et Left 4 Dead, NoClip nous propose un jeu original dont les hommages à la pop culture fourmillent. Vraie bonne surprise, il nous propose un gameplay efficace avec des graphismes en pixel art et une musique qui servent une ambiance réussie pour tous les amoureux de films de zombies des années 80′ ! Karl, le graphiste à l’origine de la patte graphique unique de Zombie Night Terror (à gauche sur la photo), revient aujourd’hui sur le premier succès de leur studio…
- Kiss My Geek : Bienvenue Karl, et tout d’abord : merci d’avoir accepté notre invitation sur Kiss My Geek ! Il y a quelques semaines, ton studio NoClip sortait Zombie Night Terror – un jeu qu’on a testé sur KMG avec des zombies, du sang, du pixel art et surtout beaucoup d’humour ! Avant d’y venir, si tu nous parlais d’abord de la façon dont NoClip a vu le jour il y a 3 ans ?
Karl : NoClip c’est 4 personnes. Moi-même le graphiste, Jon le spécialiste des effets spéciaux, Hugo (NDLR : à droite sur la photo) et Jérôme les développeurs. À l’origine, il y a un licenciement économique pour 3 d’entre nous en 2013, et en conséquence une opportunité qui s’est présentée de pouvoir démarrer un projet indépendant. J’y pensais déjà depuis un moment, j’avais même envisagé de monter un Kickstarter pour essayer de gagner mon indépendance vis-à-vis de ma boite, mais finalement le licenciement est arrivé.
Nous avons créé NoClip 2 ans plus tard, quand le moment était venu de démarcher des éditeurs et de trouver quelques sous pour continuer à survivre…
- KMG : Parle-nous un peu de ton parcours…
K. : J’ai débuté ma formation vers l’âge de 13 ans quand j’ai commencé à dessiner et animer sur mon Amiga 500. Le logiciel « deluxe paint » permettait de faire des animations en pixel. À l’époque, le pixel était plus une contrainte qu’une finalité. Après le bac il y a eu quelques erreurs de parcours. J’ai entamé des études scientifiques, je me voyais ingénieur ou un truc comme ça, alors j’ai intégré une « math sup » à Mont-de-Marsan. Mais j’ai vite compris, en étant quasi dernier de la promo, que ça n’allait pas fonctionner. Alors comme j’avais toujours un bon coup de crayon je me suis essayé aux Beaux Arts où je suis resté 6 mois.
Suite à ça j’ai eu la chance d’intégrer LSP à Marseille, pour réaliser des jeux sur Gameboy Advance.
Ensuite, avec l’émergence des smartphones, je me suis retrouvé a faire du web et des applications. Et j’ai lâché le jeu pendant un long moment. C’est aussi pendant cette période que j’ai vu grandir le monde du jeu indépendant, tant sur mobile que sur PC et console. Ce qui m’a donné envie de tenter ma chance.
- KMG : Zombie Night Terror fourmille de références, tant dans son gameplay que dans sa mise en scène… Peux-tu nous dire quelques mots là-dessus ?
K. : Il faut savoir qu’au commencement, nous pensions faire le jeu en moins de 2 ans. Évidemment, comme tout bon indé qui se respecte, nous avons explosé le budget.
Donc oui, le jeu s’inspire de Lemmings dans la mécanique de gameplay, mais comme nous l’avons adapté aux zombies nous avons dû trouver des actions qui font sens avec les zombies.
Nous avions imaginé un tas d’actions possibles. Par exemple : le zombie femme enceinte qui explose et libère des petits fœtus zombies toujours accrochés a leur mère par le cordon… Mais nous avons dû faire le tri, et au final on retrouve pas mal de choses que nous proposent les jeux tels que Left 4 Dead ou Dead Island.
Bien sûr chez NoClip nous somme tous de grands fans de zombies, et en ce qui me concerne j’ai surtout un amour pour les vieux films et les « nanars » des années 80′, avec leur effets spéciaux tous pourris, le coté kitch et la musique synthétique. J’avais envie de retrouver ça dans l’ambiance du jeu et dans l’histoire.
Le premier teaser que nous avions mis en ligne était déjà une référence directe à « The Return of the Living Dead », et le jeu lui-même est truffé de références plus ou moins cachées. Des références à la culture zombie, au cinéma en général avec Terminator ou 2001 l’Odyssée de l’espace. À la musique avec les Daft Punk ou Led Zeppelin. Au jeu vidéo avec Portal, Donkey Kong. Aux séries TV avec Breaking Bad… Tout y passe. Certains personnages sont même inspirés de vraies personnalités, avec ce côté jouissif de les faire participer à un jeu de fin du monde… Qui reconnaîtra DSK avec un visage d’à peine 6 pixels ?
L’histoire est débile mais c’est parfaitement assumé, et on s’est bien amusé a l’écrire. Maintenant que le jeu est sorti, on s’amuse de voir les gens reconnaître tel ou tel easter egg.
- KMG : Quel est le rôle de votre éditeur Gambitious dans votre processus créatif et financier ?
Dans un premier temps, ils nous ont apporté une sorte de confiance, car en travaillant avec eux on s’est dit qu’on mettait vraiment le pied dans le business et qu’on n’était plus tous seuls dans notre coin. Bien sûr, leur rôle a aussi été financier, mais notre volonté première de travailler avec un éditeur était d’avoir une plus grande force marketing.
Sur le plan créatif , Gambitious nous a laissé carte blanche sur la totalité du contenu. Aucune censure ni aucune direction. C’est leur politique de laisser libre cours à la créativité des développeurs avec qui ils travaillent.
Il y a par exemple ce cas ou j’avais dessiné une affiche dans un style un peu Grindhouse pour illustrer le jeu sur les salons ou les sites de presse : un zombie femme avait malencontreusement posé la main sur le sein de « April Fox », un personnage du jeu. C’était assez gratuit et puéril comme idée, mais Vernon de Gambitious n’y a pas vu d’objection. L’affiche a eu un succès fou sur les salons, les gens s’arrêtaient pour la prendre en photo. Mais certains sites de presse nous ont boycottés pour ça. Vernon s’y attendait , mais il nous a dit par la suite qu’il n’avait pas voulu nous influencer, c’est notre jeu, c’est nos idées. On a changé l’affiche bien sûr…
- KMG : Forcément, quand on voit des jeux comme ZNT on pense tout de suite à d’autres éditeurs indé, comme Devolver… Y en a-t-il qui vous font déjà du pied ou avec lesquels vous aimeriez travailler ?
K. : Nous avons eu quelques proposition d’éditeurs français pendant la production du jeu. Nous aurions rêvé travailler avec Devolver, mais c’est comme si nous avions un pied dedans, car Gambitious est comme le « petit frère » de Devolver. Pour la suite , rien de prévu pour le moment.
- KMG : Steam, GoG, Humble Store, Green Man Gaming… Voilà autant de façons de se procurer votre jeu aujourd’hui. Chacune de ces plateformes a sa philosophie bien à elle. Mais ce sont surtout des « places to be » pour tout éditeur indé qui veut avoir un peu de visibilité sur le marché aujourd’hui. On est curieux d’avoir votre avis sur ces plateformes, ce qu’elles vous (r)apportent ou, au contraire, ce qu’elles peuvent représenter de critique dans votre gestion quotidienne.
Steam représente bien sur 90% du marché, et concentre l’essentiel des échanges que nous avons avec les joueurs via les forums de discussions.
- KMG : ZNT a non seulement été bien accueilli par la presse, mais aussi par les joueurs et surtout par le milieu de la création indé ! Pour un premier jeu, vous faites fort ! Mais on se doute que la route vers le succès n’a pas été aussi facile que ça… Quelques anecdotes à ce sujet ?
K. : Le processus créatif d’un jeu indé est une suite de doutes et de moments d’euphorie. Surtout de doutes, et encore plus particulièrement quand on s’attaque à un classique vieux de 30 ans. Même si nous savions que le gameplay fonctionnait, il a fallu du temps avant de l’adapter et d’être rassurés sur toutes les mécaniques du jeu.
Le plus dur, mais en même temps le plus excitant pour moi, ont été les 6 derniers mois du projet car nous avons travaillé comme des fous, sans compter les heures pour sortir le jeu dans les temps. Le soir, le weekend… Merci infiniment à ma femme de m’avoir supporté tout ce temps !
- KMG : Instant fanboy avec une petite question sur l’OST qu’on a kiffé : est-ce que tu pourrais nous parler un peu de son compositeur et de ses inspirations ?
Le jeu est un hommage aux films et à la culture des années 80, il nous fallait une musique qui s’en inspire, mais surtout qui serve le gameplay en posant une ambiance particulière. L’ambiance graphique et les animations sont plutôt drôles malgré le noir et blanc. La musique contrebalance en donnant une atmosphère un peu plus sombre et en s’écartant du coté 8-Bit du jeu. Il n’était pas question de faire du chiptune.
Côté inspiration, on va retrouver Carpenter, Moroder ou Tangerine dream, des pionniers de la musique électro des 70’s.
Sur certains niveaux du jeu, la musique est dynamique ; en gros il y a une base typique des 80’s et par-dessus vont s’ajouter des éléments plus rythmiques et agressifs qui montent progressivement suivant le niveau de l’action.
Les sons apportent un gros plus à l’ensemble, la majorité ont été faits à partir de vraies sources sonores, d’autres à partir de vieilles pistes de films d’horreur remixées et jouées en accéléré. Je sais que beaucoup de pastèques n’ont pas survécu au processus créatif.
Au final, on a une ambiance sonore vraiment riche et unique.
- KMG : On est obligés de vous demander avec quel nouveau jeu vous allez nous régaler prochainement…
K. : Nous avons quelques idées, mais nous attendons de voir si les bénéfices de ZNT nous permettront de le faire… Ce qui est sûr c’est que ce ne sera pas du pixel, je crois que j’ai eu ma dose pour ce jeu 🙂
- KMG : Et sinon, tu joues à quoi en ce moment ?
K. : Mother Russia Bleeds du Cartel, je reste dans le jeu old school.
- KMG : On termine avec la question par laquelle tous nos invités sont passés : si tu avais un super-pouvoir complètement geek, ce serait quoi ?
Rien de vraiment geek, ni de vraiment original, mais je me suis très souvent dit : quand on a 3 tonnes de choses à faire et des délais qui approchent, ce serait génial de pouvoir arrêter le temps et bosser tranquille en évitant les nuit blanches !
- KMG : Merci pour cette entrevue Karl, c’est toujours un honneur de recevoir chez nous les créateurs de jeux indé qui dépotent !
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