Le Mardi 10 Mars 2015 a marqué le départ des séries version Playstation. Après des années de galère et de faux départs (un pilote avait par exemple été tourné pour FX en 2011), la série Powers a enfin vu le jour et les trois premiers épisodes sont disponibles aux abonnés Playstation Plus américains. Dans le même temps, Playstation Network a mis à disposition le premier épisode gratuitement sur Youtube… Mais toujours à destination des USA uniquement. Bon, je ne m’en fais pas pour vous, je suis certain que vous trouverez vous aussi un moyen de contourner ce problème. Embarquons donc pour le pilote de cette nouvelle série pour voir si oui ou non on cherchera à regarder la suite.
Dans un monde où les humains ayant des pouvoirs spéciaux vivent au milieu des humains « normaux » (c’est d’ailleurs ainsi que les premiers nous dénominent), une section spéciale de la police américaine est dédiée aux affaires qui sont liées aux premiers. Cette section, c’est la Powers Division et c’est dans celle de Los Angeles que notre histoire prend ses racines. L’inspecteur Christian Walker (Sharlto Copley, acteur fétiche de Neill Blomkamp tenant le rôle principal dans District 9 notamment) y est la star du fait de son passé : il était connu sous le pseudonyme Diamond lorsqu’il combattait le crime en tant que super-héros avant de perdre ses pouvoirs. Après la mort de son binôme, on lui affecte une nouvelle équipière, la novice Deena Pilgrim (Susan Heyward, vue dans The Following) avec laquelle il devra résoudre les crimes liés aux Powers – les fameux humains dotés de pouvoirs. Qu’on se le dise, on est toutefois très loin d’un clone de Julie Lescaut dans cette série R-rated, c’est-à-dire destinée à un public mature : la violence, le langage employé et le ton général de la série ne sont pas pour les enfants.
Le pilote est articulé autour de Calista (Olesya Rulin de l’écurie Disney), une « normale » qui pense être une Power et qui attend désespérément que ses pouvoirs se manifestent. Dans le monde des Powers, on appelle ça une « wannabe » et autant vous dire qu’ils sont vus comme des fans ridicules tout juste bons à être utilisés et raillés. On apprend d’ailleurs qu’elle a été utilisée par un sbire de Johnny Royalle (Noah Taylor, Locke dans Game of Thrones ou le directeur du Bureau Temporel dans Predestination) pour donner de la drogue létale à Olympia, un ancien super-héros qui faisait équipe avec Diamond à l’époque de leur gloire. Retrouvée prostrée dans la salle de bain de la chambre d’hôtel où elle avait eu une relation sexuelle avec le pauvre hère, Walker et Pilgrim l’emmènent au commissariat afin de l’interroger. Sans vous dévoiler trop de choses, elle est récupérée par Royalle que tout le monde pensait mort, les inspecteurs partent à la recherche de la petite effrontée et Walker, voulant s’assurer que le vilain est bel et bien mort, va à la rencontre de Wolfe (Eddie Izzard, comédien de génie qui apparaît de plus en plus dans les séries TV comme Hannibal et Bullet in the Face), un Power psychopathe emprisonné qui se trouve être l’ancien mentor des deux – Walker et Royalle – et responsable de la perte des pouvoirs de Diamond ainsi que de la mort supposée de l’intéressé. Là, je vous ai fait la trame en gros en omettant plein de choses donc vous comprendrez que le pilote est assez chargé en informations.
Ultra Vomit ?
Sur le papier, un super-héros déchu reconverti en flic spécialisé dans les affaires surnaturelles, torturé par son passé et sa perte, confronté à un monde violent et empli de sexe ainsi qu’à son ex-mentor devenu psychopathe et lui ayant dérobé ses pouvoirs fait penser à une trame faite au mixer dans lequel on aurait plongé Le Silence des agneaux, Watchmen, Sin City, Supernatural et Les Experts en saupoudrant du ton (un peu trop) à la mode des super-héros trop d4rk lolilol de chez DC façon Man of Steel. Du coup, soyons francs : ça fout la gerbe. Pourtant, l’ensemble est plutôt réussi bien que pas exempt de tout défaut évidemment. Le plus gros défaut, celui qui vous décolle les rétines, c’est le niveau des effets spéciaux. On ne peut pas nier qu’ils sont plutôt moches et si ça passe à peu près dans la scène d’ouverture, ça fait vraiment mal aux yeux dans le combat aérien aperçu quelque temps après et pourtant filmé de très loin. C’est d’autant plus étonnant que le budget ne semble pas si faible que ça à en juger par le reste de la production (mais j’avoue ne pas avoir les chiffres donc c’est difficile à juger). Un défaut qui gênera un peu moins en France mais qui risque de faire grand bruit outre-Atlantique tient dans les accents de deux des personnages principaux. Noah Taylor et Sharlto Copley, respectivement australien né sur le sol britannique et sud-africain, campent des personnages américains mais ne convainquent pas à force d’exagérer un accent et une prononciation qui ne leur correspond définitivement pas. Le dernier point majeur qui pourrait en frustrer certains est un problème récurrent dans les débuts de films et séries : les scènes d’expositions longues. Personnellement, ça ne m’a pas gêné parce que ça nous évite une origin story chiante de plus, ça permet de se jeter dans le bain de l’action immédiatement ET l’une de ces scènes est faite d’une façon plutôt originale et introduit en fait bien plus que ce qui est dit à l’écran. Cette scène, c’est un reportage d’une chaîne type E ! Entertainment. En fait, c’est même un faux épisode d’un vrai programme américain appelé Extra et présenté par Mario Lopez qui, tout naturellement, nous présente les dernières news concernant le monde fascinant des célébrités. Or, dans la série, les célébrités ce sont les Powers. Du coup, on apprend une partie du passé de Diamond/Christian Walker et d’autres faits sur les Powers.
Powers-full
Le pilote de la série est rempli (d’où l’intertitre, vous l’avez ? Ahahah ! Je me fatigue moi-même…) de bonnes petites idées qui laissent présager une vision cohérente et intéressante d’un monde pas tout à fait comme le nôtre. L’opposition générationnelle entre les Powers d’origine comme Diamond ou Retro Girl (Michelle Forbes, vue dans Battlestar Galactica, True Blood ou encore Orphan Black) – véritables héros cherchant à améliorer le monde – et les nouveaux comme Zora (Logan Browning, que je ne connaissais pas mais qui a par exemple joué dans la série Hit The Floor) – perçus comme des larves attendant qu’on leur apporte la célébrité sur un plateau – permettra à la série d’aussi bien partir sur les clichés entretenus par chaque génération que sur une critique ou une parodie des générations de notre monde (il n’est pas difficile de faire le parallèle entre les Power kids et les « célébrités » de toutes les télé-réalités affligeantes que l’on connaît aujourd’hui par exemple). Le manque de moyens de la Power Division laisse quant à lui entendre que la lutte contre les Powers est considérée comme perdue d’avance et ne sert que de façade comme ce sera aussi souligné par Calista dans un interrogatoire plein de mépris. L’idée que Wolfe puisse « manger » ses ennemis sans qu’il ne soit précisé si c’est au sens strict ou figuré et leur voler leur pouvoir laisse pas mal de portes ouvertes, tout comme la dépression dont semble souffrir Walker, apparemment à deux doigts d’accepter n’importe quoi pour récupérer ses pouvoirs. L’approche radicalement différente de Walker par rapport aux Powers comparé à ses collègues – du fait de son passé – est également un bon point qui permet d’apporter nuance et recul sur la relation Powers-Normaux. Même cette idée a priori anecdotique des pouvoirs qui se passent partiellement à travers les fluides corporels (expliquant ainsi l’envie des wannabes de coucher avec les Powers) couplée avec la scène du médecin légiste largué par le corps d’Olympia qui envoie bouler les lois de la médecine conventionnelle pourrait apporter des idées intéressantes. A vrai dire, plusieurs points me font légèrement penser à la très bonne série de livres des Reckoners de Brandon Sanderson dont je vous parlerai probablement un jour et, rien que ça, ça me donne beaucoup d’espoir pour cette nouvelle création (tirée d’un comic book des années 2000 que je n’ai jamais lu).
Avec ces idées et quelques autres atouts, Powers se dote d’un potentiel qui devrait lui permettre de se démarquer des (nombreuses) autres séries de super-héros déjà à l’antenne. Le ton est moins gentillet/teen-friendly que The Flash. Le personnage principal ne porte pas le poids du monde sur ses épaules comme dans Arrow, mais simplement celui de son passé et de ses erreurs, ce qui s’avère déjà pas mal et le rend plus humain. Tout n’est pas secret comme dans Agents of SHIELD mais bien au grand jour, dans des organes officiels connus de tous. Le pilote lance déjà beaucoup de pistes et la série ne devrait donc pas reposer sur un seul et unique gimmick exploité ad nauseam comme dans Agent Carter. Et puis, tout simplement, on n’a pas envie de baffer les scénaristes avant même la fin du premier épisode comme dans Gotham ! Reste à voir si ce potentiel sera correctement développé ou misérablement gâché dans la suite de cette première saison décisive, plus que pour son propre avenir, pour le devenir du Playstation Network dans le monde impitoyable des séries.
TL;DR
Malgré des effets spéciaux très décevants qui n’auguraient rien de bon, Powers a su captiver mon attention et m’a même donné envie de voir la suite au plus vite. Une vision un peu plus mature des super-héros que celle à laquelle les autres séries du genre nous ont habitués et les bonnes idées qui jalonnent ces 60 premières minutes laissent présager un bon avenir à la série qui pourrait donc faire peser Playstation Network dans la balance. Malheureusement, le mode de distribution me semble être le gros point faible de Powers puisqu’il limite de facto le public susceptible de se plonger dans cette aventure qui aurait à mon sens eu sa place sur une chaîne comme FX ou une autre grosse chaîne câblée outre-atlantique.
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