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[Lecture] Carmilla illustré aux Editions Soleil

Carmilla BD

« Deux grands yeux s’approchèrent de mon visage, et, soudain, je ressentis une douleur fulgurante, comme si deux grandes aiguilles espacées de quelques pouces seulement s’enfonçaient profondément dans ma poitrine. Je me réveillai en hurlant. La chambre était éclairée par la chandelle qui était restée allumée tout la nuit, et je vis une silhouette féminine au pied de mon lit, un peu sur la droite ». Carmilla, de Sheridan Le Fanu. 

Pour célébrer le 200e anniversaire de la naissance de l’écrivain irlandais Sheridan Le Fanu, l’éditeur Soleil a décidé de publier une version illustrée du plus grand succès littéraire de cet auteur, à savoir le roman Carmilla. Une oeuvre qui me marqua profondément lorsque je le découvris en deuxième année de Licence de Lettres Modernes, dans un cours consacré au roman noir et gothique. Les oeuvres majeures étudiées durant ce cours étaient Dracula, Carmilla, Le Château d’Otrante, Frankenstein et Northanger Abbey.

Le roman gothique c’est … ?

Le roman gothique est un genre littéraire, précurseur du roman noir avec lequel il est souvent confondu. Ce genre se caractérise dans l’Europe du XVIIIe siècle par un engouement pour le sentimental et le macabre. Il est également associé à un vif intérêt pour l’architecture gothique. Dans les romans gothiques l’intrigue se déroule donc souvent dans des châteaux entourés de forêts inquiétantes, dans des cimetières ou encore aux environs de ruines ancestrales…

Illustration tirée de Carmilla aux Editions Soleil. 

Carmilla : une oeuvre majeure de la littérature vampirique du XIXe siècle

Bram Stoker a même reconnu que Carmilla (publié en 1871) l’avait influencé et inspiré pour son propre roman, le mondialement connu Dracula, publié en 1897. Etudier Carmilla pendant mes études m’a permis de réaliser que le roman vampirique pouvait être un sujet sérieux. Sérieux ? Oui. Même si le terme vampire est aujourd’hui associé au pulp, au divertissement, à Twilight et à True Blood, les origines du roman vampirique, elles, datent d’une époque reculée ou les bonnes moeurs ne permettaient pas d’exprimer ses désirs profonds.

Imaginez donc un peu… Au XIXe siècle de nombreux tabous persistent et les romans gothiques permettent de parler de choses qualifiées d’impures par l’Eglise sans crainte de réprobations. Un auteur peut facilement se défendre en assurant que les actes décrits dans ses oeuvres servent l’intrigue, appartiennent à la fiction et ne relèvent en rien de la réalité. Un homme tue sa femme ? Une femme en désire une autre ? Un scientifique arrive à donner la vie à une créature ? Peu importe, il s’agit là de fiction. En réalité, pas vraiment…

Qu’il s’agisse de Sheridan Le Fanu, de Mary Shelley ou de Bram Stocker, ils ont tous confié dans des écrits et/ou des lettres que l’écriture permettait de contourner la censure, d’exprimer les désirs de l’Homme sans risquer d’être jugés et décriés.

Illustration tirée de Carmilla aux Editions Soleil. 

De quoi parle Carmilla au juste ?

Carmilla a été défini par son auteur comme étant un roman métaphorique sur l’amour interdit. Au delà d’un cadre angoissant (un château isolé en plein milieu d’une forêt) qui caractérise bien le roman gothique « type », Carmilla parle d’un tabou plus important que celui de la mort et de la maladie…

Le roman est rédigé à la première personne. Laura, une jeune fille, commence à nous raconter une étrange histoire. Son père et elle vivent à l’écart du monde, « Rien n’est plus pittoresque, ni plus solitaire que ce château. Il se tient sur une petite éminence, au coeur d’une forêt… Il existe une légende qui explique pourquoi les habitants ont fui ce lieu singulier et mélancolique, que je vous raconterai une autre fois ». Ils en viennent à accueillir par hasard une jeune fille nommée Carmilla. Et évidemment, c’est à partir de là que d’étranges événements se produisent…

Cette nouvelle amie mystérieuse, d’une rare beauté, abreuve Laura de déclarations si ardentes que la jeune Anglaise se persuade au début que Carmilla est un jeune homme travesti. Parallèlement Laura est frappée d’une maladie inconnue et ne cesse de faiblir, devenant de plus en plus pâle. Son père et deux préceptrices n’arrivent pas à en trouver l’origine et Laura devient apathique, paralysée par l’excès d’amour et par le pauvre monstre, mi-femme, mi-vampire qui le lui prodigue. Laura se laisse aimer par son amie tout en se doutant que celle-ci finira par causer sa mort.

Laura, candide à souhait, incarne la parfaite héroïne gothique et Carmilla, personnage enivrant et dangereux, incarne la sensualité et incarne l’homosexualité entre deux femmes. Laura, sachant que sa situation est inhabituelle, nous confie à nous, lecteurs, cette histoire : « Ja vais maintenant vous raconter quelque chose de si étrange que vous aurez besoin de toute votre confiance en ma véracité pour croire à mon histoire. Non seulement elle est vraie, mais de plus, c’est une vérité que j’ai vue de mes propres yeux ». La légende dont Laura nous parlait au début du roman aurait donc un fond de vrai ? A vous de le découvrir.

Format et contenu

Ce livre illustré par Isabella Mazzanti est édité en format BD et reprend le texte intégral de Carmilla. Les récits fantastiques, sombres et surnaturels ont toujours passionné Isabella et les auteurs Poe, Lovecraft, Le Fanu et Maupassant l’ont souvent fait vibrer durant ses lectures nocturnes.

Depuis 2011, elle travaille officiellement comme illustratrice pour ELI Publishing, Eli La Spiga Edizioni (Italie) et IDW Publishing (Etats-Unis), Gulf Stream Editeur et les Editions Soleil / Métamorphose (France). Si ses dessins vous plaisent vous aurez donc l’occasion de découvrir son travail dans bien d’autres univers.

Couverture de Carmilla aux Editions Soleil. 

Pour ma part, lire Carmilla tout en découvrant les dessins d’Isabella m’a beaucoup plu. Le style de Sheridan Le Fanu, indémodable, ne me lassera jamais. Quant aux dessins ils correspondent bien à l’ambiance du roman même s’ils sont enfantins comparés à ceux que l’on trouve généralement en tapant Carmilla sur Google. Mais ça, c’est une histoire de goût.

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