Aujourd’hui nous avons le plaisir de recevoir Sinsem, le Game Designer qui travaille sur Steam of Lethis. Mais si, vous savez, ce MMORPG à la sauce française 100% amateur dont nous vous avions parlé il y a quelques semaines… Steam of Lethis c’est quoi ? C’est qui ? C’est comment ? Sinsem répond à tout ça dans la suite de l’article !
- Kiss My Geek : Salut à toi Sinsem, et bienvenue dans l’antre de Kiss My Geek… Nous te recevons aujourd’hui pour parler du projet sur lequel tu travailles en tant que Game Designer : Steam of Lethis… Et si tu commençais par nous expliquer ce qu’est ce jeu, et comment il est né ?
Sinsem : Steam of Lethis est techniquement un projet de MMORPG tactique au tour par tour en perspective isométrique. Mais Steam of Lethis c’est surtout le développement d’un univers d’inspiration steampunk/victorienne à travers un jeu communautaire très orienté « roleplay ». L’objectif étant de proposer un monde intéressant à découvrir, ainsi qu’un tas de mécaniques qu’on espère intéressantes pour interagir avec.
Je n’étais pas à la base du projet, Noodle et Klund, deux bonnes connaissances d’Internet sont venus me trouver un beau jour en me proposant de développer un jeu avec eux. L’histoire d’un monde régit par la vapeur où on aurait tout plaisir, en tant que joueurs, à évoluer. C’est aussi simple que cela, nous ne trouvions pas vraiment le jeu que nous voulions, alors il fallait réaliser le nôtre.
- KMG : Aujourd’hui, combien êtes-vous à travailler sur ce MMO et comment vous avez été amenés à vous rencontrer / à travailler ensemble ?
Sinsem : Aujourd’hui, dans l’équipe il y a pas mal de monde. Sakarah, Kazord et Klund s’occupent de la programmation du jeu, on a aussi Zatura qui s’occupe du nouveau site web et qui va passer aussi sur la gestion de la communauté. Deux graphistes, Shimaru et Noodle sont accompagnées d’une animatrice, Lili. On a également un musicien, Norman, et un Game Designer, en l’occurrence moi.
Nous sommes plusieurs (Klund, Shimaru, Noodle et moi même) à s’être connus à travers des forums dédiés aux jeux vidéo. Le reste de l’équipe, c’est tout un tas de gens talentueux qui ont répondu à nos appels à l’aide, où qui se sont spontanément proposés pour nous donner un coup de main (là je pense à l’excellent Norman). L’envie de faire des jeux ne date pas d’hier, il y a bien longtemps certains d’entre nous avaient essayé de réfléchir à un projet, mais la jeunesse et l’inexpérience aidant, ça n’a jamais abouti.
- KMG : Peux-tu nous en dire un peu plus sur ta place dans ce projet ?
Sinsem : Sur le papier je suis Game Designer, je mets en place les mécaniques de jeu, les ressorts ludiques qui devraient vous faire passer des heures scotchés à vos écrans. Je crée les règles du jeu, j’essaye de les équilibrer, de les rendre cohérentes et de les exploiter correctement.
Comme dans l’équipe, nous avons plein d’idées, il faut faire le tri entre les bonnes idées, et les mauvaises. Quand ça c’est fait, il faut trier à nouveau les bonnes idées, qu’on re-trie ensuite, pour encore recommencer. Ça en règle générale, chacun essaye de le faire tout seul. Et quand une idée passe par les mailles du filet, alors je me débrouille pour l’intégrer de manière cohérente dans le gameplay et dans l’univers de Steam of Lethis. Bien sur dès fois j’aimerais bien les faire rentrer à coup de hache dans notre joyeux bordel, mais souvent c’est du remaniement, des concessions, ou carrément le plus souvent de la mise de côté quand ça ne peut malheureusement vraiment pas rentrer.
Je m’occupe également de la mise en place de l’univers, y’a pas trop de nom pour ça, et quelqu’un l’a un jour résumé par « directeur d’écriture » ce qui me semble le truc le plus parlant, à ceci près que je ne suis directeur de rien du tout, mais l’idée qui ressort de l’intitulé est assez claire.
Donc je développe l’univers via plein de documents, généalogies comme décrets impériaux, poèmes et romans, cartes et autres éléments divers. Je crée son histoire, ses grandes figures, ses merveilles, ses catastrophes et ses œuvres d’arts. C’est très rigolo, par contre c’est très long et très complexe, surtout quand mIRC clignote pour me dire « Hey Sinsem, on a un truc trop cool à mettre dans le jeu», que je la trouve géniale et que je m’arrache la moitié des cheveux en me demandant comme l’intégrer (finalement c’est un peu la même difficulté que pour le gameplay).
- KMG : Aujourd’hui, vous en êtes où ?
Sinsem : Aujourd’hui nous sommes en plein travail sur ce qu’on appelle chez nous « la démo », c’est à dire un prototype scénarisé qui intègre plusieurs mécaniques que l’on souhaite retrouver dans le jeu final, tout en faisant l’impasse sur d’autres gros trucs (ici les combats). La raison étant qu’à notre stade d’amateur, l’impossibilité d’être réguliers, les aléas de la vie, tout ça… Nous aimerions bien pouvoir produire un jeu qui nous permette de nous lancer ensuite dans un développement professionnel.
Donc du coup, au niveau de l’avancement de cette démo, graphiquement c’est plutôt complet, au niveau des outils nécessaires, nous allons devoir nous attaquer à l’éditeur de script, ce qui me permettra d’intégrer (et de modifier évidemment) tout le travail papier que j’ai fait au préalable en terme de game design et de scénario. Il reste pas mal d’animations à faire, c’est d’ailleurs pour cette raison que Lili a récemment rejoint l’équipe.
L’idée étant de proposer prochainement un prototype qui permette au joueur de se connecter de manière stable au serveur, de se balader au milieu de nos jolies tiles, de discuter et de trouver un tas de bugs que nous n’avons absolument pas prévu (mais ça reste limité en terme d’interactions).
- KMG : Quel regard portez-vous sur votre jeu, et sur le monde du jeu vidéo en général ?
Sinsem : Je vais répondre très personnellement à cette question parce que je pense que chaque membre de l’équipe a un avis bien à lui. Au niveau de Steam of Lethis, je pense que je ne peux pas répondre objectivement, je me suis trop attaché à ce projet et à son univers pour ça. Je suis content de ce qu’on développe, j’aimerais aussi améliorer un tas de choses, avoir plus de moyens pour le faire. Mais à l’heure actuelle pour un deuxième projet de jeu vidéo pour ma part, je suis plutôt satisfait de la façon dont ça se goupille.
En 2012 j’ai pu m’éclater sur FEZ comme sur Torchlight II, me détendre sur Botanicula, me prendre de passion pour FTL et j’attends même impatiemment Assassin’s Creed III. Je l’aime bien moi le monde du jeu vidéo. Maintenant je garde un œil très critique sur le média, ses divers problèmes (le récent doritos-gate par exemple), et son puritanisme arriéré. La fracture des initiés/spécialistes et du grand public est également de plus en plus frappante. L’exemple aberrant de la Paris Game Week l’illustre bien. C’est un milieu avec certains aspects peu reluisants, étant étudiant dans une école de jeu vidéo (l’ENJMIN), je vois des intervenants nous dépeindre parfois un très sale portrait du jeu vidéo tous les jours, il y a du bon comme du mauvais.
Le monde du jeu évolue, je ne sais pas trop si c’est dans le bon sens, mais il faudra faire avec ce à quoi il nous mène.
- KMG : Quelles sont les forces et les faiblesses de votre équipe et de votre projet ?
Sinsem : Je sais pas trop si nous avons une force particulière, nous sommes passionnés, mais ça n’empêche personne de se planter. Concernant les faiblesses, y en a pas mal qui découlent notre relative inexpérience. L’amateurisme étant ce qu’il est, nous nous retrouvons aussi à devoir bosser ensemble à distance, je dirais que c’est aussi un problème.
- KMG : Quel a été l’accueil du public et de la presse tout au long de sa conception ?
Sinsem : L’accueil du public est bon, mais au départ nous avons plutôt parlé du projet avec nos amis, difficile d’avoir des retours vraiment négatifs. Après on a quand même en règle générale des gens qui adorent notre univers, mais qui attendent vraiment de voir ce que va donner le jeu. Je dirai qu’ils montrent une certaine curiosité envers notre travail, et parfois font preuve d’un véritable soutien.
On a aussi plusieurs critiques concernant la ressemblance entre Steam of Lethis et les productions d’Ankama. C’est sûr qu’en s’attaquant à du MMO en perspective isométrique avec la patte de Noodle, c’était attendu. Maintenant nous ne nous amusons pas à refaire le même jeu, ça n’a aucun intérêt, ni pour nous créativement, ni pour les joueurs. Nous essayons dans la mesure du possible de ne pas relever, parce que nous ne trouvons pas ce genre de critiques très pertinentes. Pour moi elles démontrent surtout que les gens ont très vite associé Ankama et sa success story à quelque chose de beaucoup plus universel, mais nous n’avons pas tous la même culture du jeu vidéo. Je reste bouche bée cependant quand ces remarques viennent d’employés ou d’anciens employés d’Ankama, qui utilisent à tort et à travers le mot “plagiat”. Bon après ça reste des cas isolés, et nous vivrons avec.
Pour la « presse » si on y inclut les webzines, sites et autres blogs de jeu indépendant, c’est assez enthousiaste, si on parle de professionnels nous n’avons jamais été en contact avec eux, hormis le communiqué de presse que nous avons récemment envoyé. Il y a quelques retours de professionnels du JV, et ils sont encourageants, mais il y a aussi et surtout encore beaucoup de travail.
- KMG : Quelle relation entretenez-vous avec votre base de fans ?
Sinsem : Je dirais que ça se passe bien, nous essayons de répondre aux questions et aux mails dans la mesure du possible, de partager du contenu régulièrement. On avait organisé un concours qui avait bien plu à l’époque, en tout cas on a plusieurs « fans » assez actifs et c’est vraiment sympa 🙂
Après j’aime personnellement bosser tranquillement dans mon coin, donc je m’occupe un peu moins de cette communication que l’on souhaite cependant la plus régulière possible.
- KMG : Quelles sont vos ambitions pour Steam of Lethis ?
- KMG : Si tu devais nous raconter le pire souvenir autour de la conception du jeu ?
Sinsem : Il y a presque un an, le jour où un type m’a tiré mon bloc-note dans le TER qui me ramenait de la faculté, dont la quasi intégralité des pages étaient évidemment remplie de notes et de contenu pour Steam of Lethis. Je ne sais pas combien de jours de boulot se sont envolés, mais ça a été dur de reprendre après ça.
- KMG : Et le meilleur ?
Sinsem : La première fois qu’on s’est connectés ensemble au serveur. On avait des personnages à poil qui se baladaient entre 3 arbres sur une map minuscule, on pouvait juste se déplacer et tchater, à grand renfort de lag. Mais qu’est ce que ça faisait plaisir.
C’est bête à dire, mais je crois que c’est ce premier pas qui reste pour le moment le meilleur souvenir que j’ai de la conception du jeu.
- KMG : Pourra-t-on bientôt vous rencontrer quelque part, ou essayer le jeu ?
Sinsem : On a fait le déplacement à Art to play à Nantes les 24 & 25 novembre pour présenter une pré-alpha et certains de nos outils. Pour quelque chose de vraiment jouable, il va falloir continuer à s’armer de patience.
- KMG : On passe maintenant à la deuxième partie de l’interview pour apprendre à mieux te connaître Sinsem… D’abord en te demandant ta définition du mot « geek » !
Sinsem : Je n’en ai pas vraiment, je crois que c’est vouloir mettre dans une case beaucoup trop de diversité. Un intervenant de Suck My Geek résumait ça bien « Il y autant de définitions du geek qu’il y a de geeks ». Je m’en tiens à ça.
Mais c’est compliqué. Par exemple, j’ai toujours considéré mon père comme un geek, parce qu’il m’a collé le Seigneur des Anneaux dans les mains à 10 ans, m’a emmené tout gamin dans un Games Workshop, a nourri mon enfance de chef d’œuvres de science fiction, et m’achète des Lego pour fêter la réussite de mes concours. A côté de ça, niveau jeu vidéo et high tech, niveau bricolage électronique et informatique, c’est zéro. Alors geek ou pas geek ?
Du coup j’me pose pas trop la question, je me dis que c’est cette espèce de curiosité et cette capacité enfantine à se passionner pour plein de choses différentes qui « caractérisent » le geek, du coup c’est dommage de le résumer grossièrement en un seul mot.
- KMG : Tu considères en être un ?
Sinsem : Je pense que ce n’est pas à moi de le dire, si quelqu’un que je considère comme un geek me voit lui aussi comme un geek, alors c’est que j’en suis probablement un. (oui, c’est un peu tordu comme raisonnement)
- KMG : À quoi tu joues en ce moment ?
Sinsem : Je découvre la trilogie Uncharted sur une PS3 gentiment prêtée par mon école. Je suis au milieu du 1 et j’avoue que j’ai un peu l’impression de faire un génocide. C’est dommage parce que l’ambiance du jeu me plaît beaucoup. Je suis curieux de voir comment la série va évoluer au fil des 3 épisodes, si j’en crois la réputation de la série, les level designer ont rapidement compris que balancer les ennemis par paquet de 80 tous les 20 mètres n’était pas forcement une bonne idée.
Concernant les jeux de plateau, une de mes connaissances organise des soirées jeux de société à peu près 50 fois par semaine, et nous engueule gentiment quand on part avant 2 heures du matin (“Quoi vous partez déjà ? Mais il est à peine une heure !”) donc j’y découvre sans cesse de nouveaux jeux. Mais je me débrouille toujours pour y faire un poker des cafards, jeu simple et efficace sur lequel je m’éclate depuis deux mois.
Pour les jeux de rôle, c’est un peu la disette en ce moment, faute de temps. J’aimerais bien pouvoir masteriser de nouveau un peu de Polaris, mais il faudrait que j’arrête de dormir pour ça.
- KMG : Qu’est-ce que tu regardes ?
Sinsem : Je suis de manière très régulière Usul depuis heu … longtemps, ce mec a toujours réussi à me surprendre et à se renouveler au fil des ans. Je suis quelqu’un de très difficile concernant toutes ces émissions/concepts autour des jeux vidéo, et à part lui et le Joueur du Grenier, je ne supporte pas grand chose. Cela dit j’ai pas mal accroché à la première saison de Plus ou Moins Geek, notamment pour ses rubriques cinéma et littérature qui me font toujours découvrir de nouveaux trucs dingues. Du coup j’ai rempilé pour la saison 2 qui vient de commencer.
Comme je n’ai pas la télé, mais la fibre optique, le plus clair du temps que je consacre à de la regardure concerne l’e-sport, et surtout Starcraft II. Déjà c’est super bien parce qu’on peut bosser avec en fond, et c’est quand même super prenant. Alors par contre tu trouves vachement moins de monde pour en discuter que si tu regardes le foot à la télé, mais ça donne des débats vraiment passionnants.
Et avec tout ça, je n’ai pas trop le temps de suivre des séries, je suis quand même au milieu d’Invasion, une super série avec William Fichtner, malheureusement annulée après une saison. Et j’avance tranquillement dans la saison 2 de Fringe (dont les DVD coûtent extrêmement cher par ailleurs).
- KMG : Quel est ton meilleur souvenir de geek ?
Sinsem : Ma seule et unique nuit blanche sur les Cavernes d’Acier d’Asimov. Ne serait-ce que pour la prouesse physique, parce que je suis incapable de tenir très longtemps sans dormir, et parce que ça reste un des meilleurs livres que j’ai jamais lu. Après il y a tellement d’autres souvenirs que je pourrais mettre en première place, mais je vais jouer le jeu et n’en choisir qu’un.
Et puis Asimov, c’est quand même le patron.
- KMG : Et notre question fétiche : si tu avais un super-pouvoir de geek, quel serait-il ?
Sinsem : J’en ai déjà un, quand je rentre dans une pièce, tous les câbles prennent vie et s’emmêlent du mieux qu’ils le peuvent. Maintenant si je devais choisir un pouvoir, un vrai, et moins contraignant que celui que j’ai déjà, ça serait la télékinésie (en plus ça me permettrait de démêler tous ces câbles à distance sans aller me coincer derrière le coin télé).
- KMG : Merci à toi d’avoir répondu à toutes ces questions : tu as le mot de la fin !
Sinsem : Ben merci à vous surtout, ça fait tout bizarre de se retrouver interviewé ici au même titre que Robin Hobb. J’espère qu’un jour j’aurais l’occasion de faire quelque chose d’aussi cool que l’Assassin Royal (surtout son premier tome).
1 Comment
Koroeskohr
30 Nov 2012 1:15Je pense jouer à ce jeu day1, il m’intéresse énormément ! Très bonne ITW, un gars qui m’a l’air très sympathique, gg patron 😀